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et les belles formes des hommes qu’il admet, et aussi par son ancienneté et les souvenirs historiques qui se rattachent à son existence. Plusieurs traditions circulent sur son origine. D’après celle qu’a reproduite M. de Gilles, un grand nombre de strélitz, fuyant la colère et la vengeance de Pierre le Grand, se mirent en marche avec leur drapeau et leurs armes, et descendirent le Volga jusqu’à son embouchure. Au sud de Kizliar, ils rencontrèrent les débris des Cosaques du Don, qui s’étaient arrêtés en ces lieux avec André Kaltzof. Celui-ci avait suivi jusque-là Yermak, son chef, ce simple Cosaque qui, à la tête d’une petite troupe recrutée parmi les siens, et accrue de deux ou trois cents Tartares, Lithuaniens et Allemands, rachetés des mains des Nogaïs, conquit à la Russie la Sibérie sous le règne d’Ivan Vassiliévitch (Jean le Terrible). Les compagnons de Kaltzof, n’ayant pas de terres à céder aux nouveaux arrivés, les engagèrent à se fixer sur la pente nord des montagnes boisées ou montagnes noires (tchornia gory), qui longent à distance la rive droite du Térek, comme un premier gradin qui s’élève vers la grande chaîne du Caucase. Ces derniers s’y maintinrent malgré les montagnards. Dès que Pierre eut connaissance de leur établissement, il leur fit offrir, avec l’oubli du passé, la propriété des terres dont ils s’étaient emparés sur les bords du Térek, les invitant à s’y coloniser et à défendre sur ce point les frontières de l’empire. Chacun d’eux reçut un rouble et un sabre, et leur ataman, la naccka, bâton de commandement à pommeau d’argent. Cet insigne est encore conservé précieusement dans la maison du chef des Grebenskoï, avec six drapeaux qui leur appartiennent, et sur l’un desquels est inscrit le nom du tsar Alexeï Mikhaïlovitch (1646-1677). Lorsque ces Cosaques refusaient de se soumettre à quelque nouvelle mesure, l’ataman se présentait à eux la naceka en main, et ordonnait au nom du tsar ; ils ôtaient alors leurs bonnets et obéissaient. Comme gage de leur fidélité, ils fournirent à Pierre sept ou huit cents des leurs pour marcher sous les ordres de Békévitch, prince d’origine kabardienne, contre le khan de Khiva : malheureuse expédition qui se termina par le massacre de Békévitch et des Grebenskoï placés sous ses ordres ; un seul s’échappa et vint raconter à ses camarades du Térek ce désastre, dont le souvenir a valu aux descendans du fugitif encore existans le nom de Khiviens.

Si l’on s’en rapporte à une autre tradition, qui paraît également fondée, les Grebenskoï seraient originaires des bords du Don. Leur migration au Caucase aurait une date plus ancienne que celle qu’indique l’auteur des Lettres sur le Caucase, s’il est vrai qu’ils se détachèrent des Cosaques du Don lorsque ceux-ci furent dispersés par Mouraschkïn, qu’Ivan Vassiliévitch chargea, en 1577, d’aller les châtier. D’après cette tradition, c’est sous Pierre Ier qu’ils reçurent