Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/782

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour la Russie, qui regarde le Caucase, du nord au sud-est, le flanc droit de l’isthme, pravyi flank, ou aile droite, pravoïè krylo, est vers la Mer-Noire, et se projette tout le long du Rouban, comme ligne militaire. Le flanc gauche, lévyi flank, est vers la Mer-Caspienne, et la ligne qu’il forme s’appuie sur le cours du Térek. Sur les bords de ces deux fleuves et de leurs affluens les plus considérables s’échelonne une suite de postes reliés entre eux par des forts placés de distance en distance aux points les plus menacés ou les plus favorables à la défense. Ce réseau, au nord et au sud de la chaîne, embrasse un espace qui n’a pas moins de trois mille verstes d’étendue.

De la ligne principale du flanc gauche, la ligne du Térek, se détache celle de la Sounja, l’un des cours d’eau tributaires de ce fleuve. Fondée en 1845 par le prince Yorontzof, elle sert à tenir en respect les peuplades tchetchenses. Elle traverse leur territoire en partant de Stchedrinskaïa, poste cosaque sur le Térek, et va rejoindre à Vladikavkaz la route centrale du Caucase. La ligne de la Sounja s’est renforcée de celle de l’Argoun, rivière qui, coulant dans un sens presque perpendiculaire au Térek, va se réunir à la Sounja, un peu au-dessus de l’embouchure de celle-ci. Cette ligne est de création toute récente : le défilé qu’elle traverse, impénétrable jusqu’en 1858, n’a été occupé définitivement que pendant l’été de l’année 1859 ; depuis lors, les forêts épaisses qui le recouvraient ont été abattues sur une surface de plus de cinquante verstes, des ponts jetés sur l’Argoun, et une route a été tracée, sur laquelle des troïkas[1] peuvent déjà circuler. Trois forts assurent le maintien de cette nouvelle position, dont l’un, Schatoïevskoïé, est aujourd’hui le quartier-général du régiment d’infanterie de Navagbinsk. La vallée de l’Argoun, divisant du sud au nord toute la chaîne du Caucase par le milieu de la grande et de la petite Tchetchenia, sépare le massif des montagnes où s’abritait Schamyl de celles qui avoisinent la grande route de Vladikavkaz ; c’est par là que l’imam se jetait à l’improviste sur les territoires soumis et les établissemens russes, et qu’il entretenait des relations avec les provinces de l’ouest.

Tout le Caucase oriental peut être considéré comme enveloppé dans un réseau de lignes qui représentent une sorte de quadrilatère. Le côté supérieur de cette figure est la ligne du Térek avec ses deux embranchemens de la Sounja et de l’Argoun, s’avançant en contreforts dans l’intérieur du quadrilatère. Le côté gauche est la route militaire qui d’Iékatérinograd aboutit par Vladikavkaz à Tiflis ; au

  1. Attelages de trois chevaux de front.