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marche et qu’il faut du nouveau, n’en fût-il plus au monde. Les programmes de ses concerts ont besoin d’être renouvelés en partie, et, tout en conservant inaltérable le fonds formé par les chefs-d’œuvre d’Haydn, de Mozart, de Beethoven, de Weber, de Schubert et de Mendelssohn, il faut absolument pénétrer plus avant dans l’œuvre colossale de Sébastien Bach et dans les oratorios de Haendel, dont on ne chante jamais qu’un ou deux morceaux suffisamment connus. Je parcourais, il y a quelques jours, les programmes des concerts donnés par la Société de musique religieuse et classique du Domchor de Berlin, et j’y voyais des noms et des œuvres qu’il est honteux que Paris ne connaisse pas.

Avant de quitter la Société des Concerts, citons un volume qui ne manque pas d’utilité : c’est l’histoire de cette société, récemment publiée par M. Elwart, professeur d’harmonie au Conservatoire de musique. Cet ouvrage contient les programmes de toutes les séances qui ont été données depuis la fondation de la société en 1828, le plan de l’orchestre et de la salle du Conservatoire, ainsi que tous les documens administratifs qui se rattachent à cette célèbre institution. Il est fâcheux que M. Ehvart se soit cru obligé de faire une excursion dans l’histoire générale de la musique, et qu’il ne soit pas mieux renseigné sur des faits qu’il n’est plus permis d’ignorer de nos jours. M. Elwart par exemple se serait épargné quelques erreurs regrettables sur les prétendues inventions qu’il attribue à Gui d’Arezzo, s’il eût seulement consulté l’article de la Biographie universelle des musiciens de M. Fétis sur le célèbre moine de l’abbaye de Pomposa. Quoi qu’il en soit, l’Histoire de la Société des Concerts contient des renseignemens qui ne sont pas dépourvus d’intérêt.

La Société des Jeunes Artistes, qui marche sous le commandement de M. Pasdeloup, a inauguré la huitième année de son existence le 15 janvier dans la salle de M. Herz, où elle tient ses séances. Le premier concert, peu intéressant, a commencé par une symphonie de M. Demersseman, où l’on remarque une facture claire, bien que sobre d’idées, qui toutes n’appartiennent pas même à l’auteur. M. Demersseman, qui est un flûtiste de talent, a prouvé, par cette symphonie, qu’il a l’habitude d’écrire pour l’orchestre. La séance a fini par la symphonie en ut mineur de Beethoven. Au deuxième concert, une demoiselle Balby a chanté d’une petite voix agréable un air du Concert à la Cour de M. Auber, et l’on a fini par la symphonie en la majeur de Mendelssohn. Le quatrième concert a été plus curieux. Le programme s’est ouvert par une symphonie en si bémol de Robert Schumann, dont j’ai bien de la peine à comprendre le style vague, entortillé, et l’instrumentation terne, qui vise à une fausse profondeur. Je crois que l’Allemagne perdra les efforts qu’elle tente pour faire accepter de l’Europe occidentale la réputation de ce symphoniste atrabilaire, que la gloire de Mendelssohn a rendu fou. C’est dans ce même concert de la Société des Jeunes Artistes que s’est produit, pour la première fois, le violoniste allemand, M. Koempel, dont nous avons apprécié le talent. Au sixième et dernier concert, qui a eu lieu le 25 mars, la Société des Jeunes Artistes a exécuté pour la seconde fois dans l’année l’ouverture et divers fragmens de Struensée de Meyerbeer, dont nous aimons surtout la polonaise qui sert d’introduction au second acte. L’idée en est franche, l’instrumentation puissante et sobrement colorée.