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REVUE MUSICALE
LES CONCERTS DE LA SAISON.

Les concerts sont finis ; le nombre en a été plus considérable que jamais cette année. Il y en a eu d’excellens, de bons, d’insignifians, d’insupportables ; mais, l’un compensant l’autre, nous n’avons pas lieu de nous plaindre de notre sort. Les concerts du Conservatoire, ceux de la Société des Jeunes Artistes, les séances de quatuor de MM. Allard et Franchomme, Maurin et Chevillard, Armingaud et Léon Jacquard, de M. Lebouc, etc., escortés de tous les artistes isolés et des virtuoses de premier ordre, comme Mme Pleyel, qui viennent retremper leur renommée dans ce grand foyer de civilisation compliquée qu’on nomme Paris, ce sont là des moyens énergiques de répandre dans le public le goût de la musique pure, de celle qui vit de sa propre vie, et qui n’a besoin ni de décors ni de claqueurs pour produire ses plus grands effets. On peut affirmer hardiment que celui qui ne connaît et n’apprécie que la musique dramatique n’a jamais compris la poésie du plus puissant de tous les arts. Il y a plus de véritable musique dans une symphonie de Beethoven, de Mozart ou d’Haydn que dans vingt opéras comme ceux que nous sommes condamnés à entendre chaque jour. Un public d’élite, d’un goût sévère et difficile, s’est formé aux belles sources des concerts du Conservatoire, qui, depuis trente-trois ans, font entendre ces magnifiques poèmes de Beethoven, de Mozart, d’Haydn, de Mendelssohn, qui sont à l’art musical ce que les fresques du Vatican sont à la peinture. À part les chefs-d’œuvre de la musique dramatique, tout le reste ne vaut pas un quatuor de Mozart ou un quintette de Boccherini, comme ceux que nous avons entendus cet hiver.

On peut diviser les concerts qui se donnent chaque année à Paris en trois catégories : les concerts à grand orchestre comme ceux du Conservatoire et de la Société des Jeunes Artistes, suivis des nombreuses sociétés de quatuors qui existent d’une manière régulière depuis plusieurs années ; les concerts où se produisent les héros de la virtuosité qui se croient assez forts pour intéresser le public pendant toute une soirée avec un ou deux morceaux d’apparat qu’ils ont longtemps médités d’avance, et les soirées diverses et mêlées que donnent des artistes modestes, des professeurs émérites, qui réunissent une fois par an autour d’un piano ou d’un quatuor la clientèle plus ou moins nombreuse qui les fait vivre pendant l’année. Les concerts de cette dernière catégorie ne sont ni les moins intéressans, ni les moins productifs. Ces hommes de talent, généralement estimés, pénètrent dans les familles comme professeurs, distribuent à leurs ouailles l’esprit de vie, répandent le goût et le sentiment des belles choses. Ce sont comme de bons curés, dont chacun a sa paroisse plus ou moins étendue à gouverner et à nourrir de la parole du Seigneur. Nous les avons suivis, ces concerts de toutes les catégories, d’un œil vigilant, pesant avec une rigoureuse équité la part d’éloge et de blâme qui nous semble leur être due.