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Belgique par Maëstricht, Bois-le-Duc et autres points, sans recourir toutefois à cette grande construction du port de Mœrdyck, qui a été la pierre d’achoppement des propositions du dernier cabinet. Le nouveau plan, soumis aux états-généraux, n’est pas sans rencontrer encore quelque opposition. De guerre lasse, et pour en finir avec cette terrible question, on se prononce un peu moins vivement sans doute contre le principe de la construction par l’état ; mais des divergences nombreuses s’élèvent quant aux directions des lignes. Déjà la Frise, l’Overyssel ont réclamé. Cette lutte générale a été précédée d’une escarmouche, où le ministère a failli être compromis : c’était à propos du raccordement de Scheveningue et de La Haye au chemin de fer hollando-rhénan. Deux compagnies se présentaient, l’une désirant la ligne par Leyde, l’autre par Gouda. On a eu d’abord l’idée de concéder les deux lignes ; puis la première a eu en définitive la préférence du gouvernement, qui a vu une imprudence dans la création de deux lignes parallèles. Cette question, petite en apparence, a soulevé les plus vifs débats dans les chambres, où la décision ministérielle a été taxée d’injustice flagrante, de partialité. Bref, le cabinet n’a pu échapper au vote d’une motion qui était un blâme assez formel de ce qu’il avait fait. On s’est appliqué dans les chambres, il est vrai, à enlever toute portée politique à ce vote, et le ministère a pu éviter de se considérer comme atteint dans son existence, en attendant que la question renaisse dans la discussion du plan général soumis aux chambres.

Si passionnée qu’elle soit pour les chemins de fer, la Hollande ne s’est pas moins émue récemment de la mort d’un homme qui ne s’occupait guère de ces matières, de M. da Costa, le premier des poètes hollandais depuis plus d’un quart de siècle. C’était le descendant d’une de ces familles israélites haut placées en Portugal, qui se réfugièrent en Hollande à la fin du XVIe siècle. Dès sa jeunesse, il avait embrassé le culte réformé, et dans son âge mûr il s’était fait le poète biblique de la légitimité, des traditions, de tout ce qui est le plus opposé aux principes révolutionnaires et même au libéralisme, qu’il combattait, dans une poésie éloquente et énergique, avec une loyauté d’esprit et de cœur d’ailleurs incontestée. Il avait, selon ses propres expressions, l’âme enthousiaste des fils de l’Orient, et les reflets bibliques passaient dans sa poésie, où l’on sentait une imagination exubérante conduite par un goût pur et délicat. Da Costa a été enseveli avec grande pompe dans l’Église-Neuve d’Amsterdam, ce Westminster hollandais où reposent les cendres de Vondel, le poète du XVIIe siècle, et de Ruyter, l’illustre marin. Heureux les pays qui, sans distinction d’opinion, savent honorer dans la mort comme dans la vie ceux qui s’honorent par le talent et par le caractère ! e. forcade.