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et en les reliant, plusieurs études publiées d’abord par la Revue, mais qui, rapprochées les unes des autres, se communiquent une nouvelle force et un nouvel éclat. Esprit délicat et viril, en qui une nuance de mélancolie ne donne que plus de relief à la constance des convictions et à la fermeté des espérances, âme élevée, qui ne semble demander à sa probité que le droit de demeurer indulgente, M. de Rémusat nous montre dans la philosophie de notre histoire la forte justification des idées libérales, et nous donne dans leur victoire finale cette confiance certaine qui permet d’en supporter l’éclipse momentanée avec moins d’indignation contre le destin et moins de mépris pour les hommes. Ce livre est plus qu’une consolation, c’est une promesse, et quand on voit, par la spirituelle brochure de M. Prévost-Paradol sur les anciens partis, avec quelle verdeur et quelle chaleur le libéralisme s’exprime sous une jeune plume, on a la certitude que ce n’est pas en vain que des hommes tels que M. de Rémusat ont entretenu le feu sacré pour le transmettre aux générations qui les suivent.

Que dire de l’Italie dans la phase qu’elle traverse ? Rien, attendons les événemens. La chance est manifestement favorable à la révolution, et la Sicile est probablement perdue pour le roi de Naples. Le Pulcinella malcontento, dont les facéties royalistes se moquaient tant après 1820, va reprendre sa revanche, et ne s’écriera plus d’un air comique :

Fra spavento e tradimento
Siam fuggiti com’ il vento.


Mais après ?… Les conséquences de la révolution italienne dépasseront sans doute la péninsule. Il faut déjà peut-être regarder comme une de ces conséquences indirectes la manifestation diplomatique que le prince Gortchakof a cru devoir faire, il y a quinze jours, en faveur des populations chrétiennes de l’empire ottoman. Nous sommes pleins de sympathie pour les chrétiens d’Orient, et la presse française s’est fait un honneur particulier en défendant en toute circonstance leurs intérêts. Nous estimons les qualités de la nation russe et nous croyons à son avenir en dépit des vices de son gouvernement ; mais, malgré l’insolence du temps où nous vivons, nous avouerons que nous avons été stupéfaits de la démarche du prince Gortchakof, Nous n’avons pas compris la solennité de cette convocation des ministres des grandes puissances pour leur déférer la conduite du gouvernement turc envers ses sujets chrétiens. Dépouillé du protectorat exclusif des orthodoxes de Turquie, le ministre russe a-t-il cru le ressaisir indirectement par l’initiative qu’il a prise avec un tel fracas que tous les badauds de l’Europe ont cru voir à l’horizon une nouvelle guerre d’Orient, et cette fois le partage de l’empire ottoman ? Le zèle qu’inspirent les chrétiens de Turquie est louable, lorsqu’il est affiché ailleurs qu’en Russie. Le gouvernement russe, beaucoup moins tolérant que le gouvernement turc, a-t-il bien le droit de dénoncer les persécutions ottomanes ? Si l’on demandait raison au gouvernement russe des avanies que sa bureaucratie fait subir aux catho-