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Puisque l’on veut bien pourtant attribuer encore aux partis une si malfaisante puissance, qui aurait dû au moins faire contre-poids aux partis et rassurer l’opinion ? Cette mission appartenait sans contredit aux journaux qui sont les défenseurs ordinaires et que l’on regarde comme les organes officieux du gouvernement. Si cette presse prétend à quelque vertu, elle devrait agir comme un calmant sur l’opinion, elle en a au contraire redoublé les alarmes dans ces derniers temps par ses étranges alliances et par ses violentes contradictions. Quel guide chercher dans des journaux qui ont commencé par dénoncer sans justice et sans mesure Garibaldi, et qui, sans transition, se sont mis à prophétiser et à souhaiter son succès ? Un jour, dans leurs colonnes, le héros italien était Walker, le lendemain Washington. La veille, on vous disait avec cette fatuité qui sied aux gens qui parlent à bon escient que ceux qui faisaient des vœux pour Garibaldi étaient des Anglais ; aujourd’hui ceux qui n’approuvaient pas son aventure n’étaient plus que des Autrichiens. Quand ces journaux avaient-ils parlé au nom du gouvernement, quand sous leur propre responsabilité ? Quand avaient-ils reçu l’illumination d’en haut, quand avaient-ils été trompés par l’éblouissement de leur indépendance et de leur zèle ? Le même refrain de confiance accompagnait à la vérité leurs imprécations ou leurs hymnes ; mais comment être rassuré à la fois et parce que Garibaldi avait tort et parce qu’il avait raison, parce qu’il méritait d’échouer et parce qu’il était certain d’un triomphe ? Voilà les sûrs conducteurs auxquels l’opinion a été abandonnée dans ses incertitudes et ses appréhensions, voilà les protections qu’elle a eues contre les manœuvres de nos partis fabuleux ! Mais nous l’avons dit, s’il peut exister en ce moment en France un parti d’opposition légale, ce parti ne saurait avoir qu’un nom, le libéralisme, qu’un intérêt, l’extension des libertés publiques ; c’est dans notre politique intérieure que se renferment donc de prédilection sa pensée et ses efforts. Son succès serait de faire rentrer la France en elle-même. Par conséquent tout ce qui l’attire au dehors, curiosité maladive, rêves d’aventures et surtout aveugles inquiétudes, est manifestement contraire à la politique du parti libéral. C’est lui qui rassurerait certainement la France, si le pouvoir en lui était égal à la Volonté ; c’est lui qui voudrait que la France fût rassurée sur les incertitudes de la situation de l’Europe, c’est lui qui demande qu’elle le soit.

La nécessité que mettent en effet en saillie ces inquiétudes qui frappent les yeux ministériels est celle-ci : il faut que la France soit édifiée, fixée et garantie sur la direction qui prévaudra dans les conseils du gouvernement. La direction dominante nous mènera-t-elle vers les affaires extérieures ou vers les affaires intérieures ? Chercherons-nous au dehors l’emploi de notre activité et la manifestation de notre grandeur, ou nous appliquerons-nous de préférence à élever la condition sociale du peuple par le travail et les institutions qui lui sont le plus favorables, à élever aussi la dignité morale des citoyens par le développement progressif des institutions libres ? Voilà la question. Le moment est décisif, il faut choisir. Nous pouvons encore