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pandre. » Quoi ! les inquiétudes actuelles seraient l’œuvre de la noire magie des partis ! Où sont-ils donc, grand Dieu ! ces puissans partis qui s’emparent ainsi de l’opinion de nos banquiers, de nos industriels et de nos négocians, qui intimident l’esprit d’entreprise, et refoulent dans les caisses les capitaux défians ? Que M. le ministre d’état y prenne garde, les partis seraient capables d’accueillir son accusation comme un compliment, car ce qui importe avant tout aux partis, c’est de voir reconnaître leur influence : à ce prix, toutes les attaques leur sont bien venues ; mais les pauvres partis n’ont pas même le triste droit de se faire honneur des méfaits qu’on leur impute. Nous le répétons : où sont-ils ? Nous voudrions par curiosité que l’on nous montrât un seul parti en France qui fût organisé, un seul qui pût se vanter de posséder même un journal, et fût en état de parler au public par la presse périodique. Hélas ! il n’en est pas un qui ait seulement la faculté de dire publiquement son nom.

L’anéantissement des partis devrait suffire à ceux qui le considèrent comme un avantage, et qui, au besoin, se font gloire de l’avoir accompli. Il serait par trop commode, après avoir banni les partis de la vie politique, de les y faire reparaître à volonté par une évocation oratoire pour les charger de toutes les responsabilités malencontreuses ; mais nous irons plus loin. Admettons un moment que les partis aient pu subsister en France dans l’état de dissolution auquel on les a condamnés et dans la vie contemplative où on les a relégués, comme les rois rasés de notre première dynastie : nous affirmons que jamais leur innocence n’aurait été plus éclatante que dans les circonstances présentes. En est-il un seul dont la politique supposée soit pour quelque chose dans les événemens ou les combinaisons qui ont donné lieu aux inquiétudes actuelles ? Peut-on reprocher à un seul d’entre eux d’avoir, pour prendre un exemple, ouvert la question italienne, et amené directement ou indirectement, à dessein ou à son insu, les complications qui en sont la conséquence ? Ils sont suffisamment absous d’une telle accusation par l’évidence ; ils le seraient encore, si c’était nécessaire, par une contre-accusation de M. de Cavour, qui nous arrive fort à propos, car enfin, tout le monde leur en veut, à ces malheureux partis français. À Turin, c’est à leur malveillance et aux difficultés qu’ils ont créées à l’empereur que l’on attribue la douloureuse nécessité qui oblige le Piémont à nous céder Nice et la Savoie ! Écoutez M. de Cavour : le ministre piémontais n’est pas toujours servi par son adresse habituelle lorsqu’il s’occupe de nous ; il dénonce comme ennemis de l’Italie, dans notre pays, le parti clérical, le parti légitimiste, et, ajoute-t-il, le parti orléaniste. Il eût été de bon goût peut-être de se souvenir que le frère de M. le comte de Paris, le fils du duc et de la duchesse d’Orléans, le jeune duc de Chartres, heureux au moins d’avoir été le compagnon d’armes de nos soldats, a fait, sous le drapeau du roi Victor-Emmanuel, la campagne d’Italie ; mais cet ingrat oubli nous donne plus de liberté pour établir, sur le témoignage de M. de Cavour, l’innocence des partis français.