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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai 1860.

Vous vous demandez quelle est la cause de l’inquiétude obstinée qui est le fond de la situation de l’Europe. Vous vous évertuez à comprendre la contradiction qu’un ministre exprimait l’autre jour en ces termes dans le parlement d’un pays voisin : « Tout le monde parle de paix, et tout le monde augmente ses armemens. » Vous interrogez l’anxiété, le malaise, l’agitation, partout visibles autour de nous, en Angleterre et en Russie, en Autriche et en Prusse, en Italie et en Orient. Vous croyez entendre de sourds craquemens, avant-coureurs de la chute de l’ancien régime européen. Vous sentez que le premier incident venu peut produire un ébranlement universel. Il vous semble être déjà dans l’ombre que projettent les événemens futurs ; mais vous êtes enchaînés par l’ignorance et l’impuissance politique entre ces deux problèmes : comment l’Europe s’apaisera-t-elle, ou quels seront, parmi son trouble, les desseins, l’action et la fortune de la France ? Certes c’est là une préoccupation générale et grave, si générale et si grave qu’un des ministres de l’empereur, qui depuis dix ans s’est fait remarquer par une sagacité et un esprit pratique incontestables, M. Fould, n’a pas cru pouvoir la passer sous silence dans le discours qu’il vient de prononcer au concours régional de Tarbes.

Le ministre d’état a sur nous l’avantage de connaître les intentions du gouvernement. Attaché, comme tous les esprits sensés, à une politique de paix, il puise dans l’acte de réforme commerciale qui s’inaugure et dans les paroles prononcées par l’empereur au commencement de la session du corps législatif les motifs de la sécurité et de la confiance qu’il a voulu faire passer dans l’esprit de ses auditeurs et de ses lecteurs. Le témoignage de M. Fould a une valeur dont nous tenons compte ; mais croit-il qu’il en eût affaibli l’autorité, s’il se fût dispensé de mettre les partis en cause ? « Ne vous laissez pas gagner, a-t-il dit, par les inquiétudes que les partis s’efforcent de ré-