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la superficie. Tant qu’on aura soin de ne pas enlever plus de bois qu’il ne s’en forme ainsi annuellement, la production se maintiendra au même niveau : c’est un capital dont les conditions de placement ne varient pas, et qui continue à produire toujours les mêmes intérêts ; mais que l’on vienne à en exploiter davantage, on entame ce capital, qui, donnant par cela même d’année en année moins de revenu, finit par s’épuiser complètement. Qu’on reste au contraire au-dessous de cette production, le matériel non réalisé va en s’accumulant insensiblement, les arbres inexploités arrivent tour à tour à maturité, et périssent sur pied sans profit pour personne. Ainsi c’est l’accroissement annuel d’une forêt qui mesure d’une manière précise la quantité de bois qu’on peut y couper sans qu’elle se détériore, et qui en détermine par conséquent la possibilité. Voici comment on la calcule.

Si nous nous trouvons par exemple en présence d’un massif âgé de vingt ans, il sera facile, soit par des procédés spéciaux de cubage, soit en faisant abattre et débiter en stères une partie des arbres qui le composent, de connaître exactement le volume de bois que comprend un hectare ; la vingtième partie de ce volume exprimera évidemment le nombre de mètres cubes de bois dont un hectare de ce massif s’est accru pendant chacune de ces vingt années, c’est-à-dire l’accroissement moyen par hectare à l’âge de vingt ans. Ces cubages répétés sur les bois de tous âges font de même connaître l’accroissement de chacun des massifs de la forêt, et dès lors celui de la forêt tout entière. On sait par là de combien le matériel s’augmente tous les ans, et par suite combien on peut en enlever sans modifier les conditions de production.

En Allemagne, on met à cette opération les plus grands soins, car elle intéresse au plus haut point les finances de la plupart des états qui composent la confédération germanique. Les forêts en effet y sont la principale source de revenu ; si la possibilité n’en était pas calculée d’une manière précise, il serait à craindre que les exploitations ne pussent s’y succéder indéfiniment sans danger pour la fortune publique. Cette préoccupation de l’avenir s’est manifestée dans ces pays par des études approfondies sur la production ligneuse ; des expériences nombreuses ont été faites, et des tables indiquant la marche de la végétation de chaque essence dans les différens sols ont été dressées pour presque toutes les forêts. Les plus connues de ces tables sont celles de Cotta ; elles sont relatives à la Saxe et ont été reproduites, converties en mesures françaises, par M. de Salomon dans son Traité d’aménagement. Quoiqu’elles soient fort en usage, les praticiens d’outre-Rhin prétendent cependant qu’elles donnent des chiffres trop faibles. M. Chevandier nous