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est l’état, on conçoit à la rigueur qu’il se résigne à la supporter, puisqu’avant tout il faut pourvoir aux besoins de la consommation nationale ; mais alors il doit bien se garder de produire au-delà de ces besoins, parce qu’en livrant ses bois à l’exportation, il fait profiter d’autres nations des sacrifices qu’il s’impose. Le pays qui exporte doit donc se placer au point de vue du producteur, comme le ferait un simple particulier, et non plus au point de vue du consommateur ; ce serait jouer un rôle de dupe. C’est précisément le cas pour l’Allemagne, qui, exportant une grande quantité de produits ligneux, perd par cela même une partie des bénéfices que ses forêts lui donneraient, si l’exploitation en était réglée en vue du plus grand produit net. — Ce raisonnement est logique sans doute, mais il prouve uniquement que l’Allemagne est trop boisée pour sa population, et non qu’il y ait avantage à introduire dans ses forêts Un système de culture qui aurait pour effet d’en diminuer le rendement. En France, nous ne sommes pas dans les mêmes conditions ; la pénurie des bois de construction y est telle qu’ils entrent pour 61 millions dans les 83,700,000 francs de produits ligneux importés en 1858. Que deviendrions-nous si la théorie de M. Pressler venant à prévaloir, nous nous trouvions privés de cet appoint considérable à notre production indigène ? La Suède et la Norvège, qui jusqu’à présent nous fournissaient les sapins propres à la mâture des navires, commencent, dit-on, à s’épuiser, et c’est dans les Vosges que les constructeurs cherchent aujourd’hui à s’approvisionner. Nous devons donc prévoir le moment où, les bois étrangers nous faisant défaut, il faudra bien produire nous-mêmes ceux dont nous aurons besoin.

Enfin le sol boisé n’appartient pas exclusivement aux particuliers et à l’état : une partie considérable de l’étendue qu’il comprend se trouve entre les mains des communes[1]. Les principes qui doivent dans ce cas en diriger l’exploitation se modifient avec la condition de ce nouveau propriétaire, et ne sont plus absolument les mêmes que pour les forêts domaniales. L’état en effet n’a en vue que l’intérêt général et non pas seulement celui de telle ou telle localité, tandis que la commune ne doit s’occuper que d’elle-même et nullement de ses voisins. Sa sollicitude ne s’étend pas au-delà des limites de son territoire, et il y aurait injustice à lui imposer des sacrifices au profit de gens qui lui sont étrangers. Toutefois si à ce premier point de vue elle se rapproche de l’individu, sa qualité de corps moral

  1. Voici approximativement la distribution du sol forestier en France :
    hectares
    1° Aux particuliers 5,500,000
    2° Aux communes et aux établissemens publics 1,900,000
    3° A l’état, y compris le domaine de la couronne 1,100,000
    Total 8,500,000