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périodiquement à l’âge où l’accroissement est le plus faible, sans leur laisser jamais parcourir la phase où la végétation est pour elles le plus active. Ces essences, qui sont pour nous les plus importantes et les plus précieuses, demandent donc à être exploitées à de longues révolutions, car les produits qu’elles fournissent augmentent non-seulement de quantité, mais encore de qualité, à mesure que l’âge des arbres s’élève. Un chêne de deux cents ans, s’il a végété dans de bonnes conditions, peut donner jusqu’à 10 mètres cubes de bois valant 400 francs et plus ; coupé en taillis à chaque période de vingt-cinq ans, c’est-à-dire huit fois pendant ces deux siècles, il n’eût guère produit que trois stères de bois de feu d’une valeur de 30 francs.

Si le taillis est moins productif que la futaie, si sous le rapport cultural il présente sur cette dernière une infériorité bien constatée, il n’en est plus de même sous le rapport financier. En tenant compte en effet des capitaux engagés, on reconnaît qu’après tout le taillis correspond à un taux de placement plus avantageux que la futaie, et doit à ce titre être préféré par les particuliers. C’est facile à comprendre.

Ce qui détermine le taux de placement, ce n’est pas le revenu brut, mais le rapport entre ce revenu et le capital qui le produit ; toutes choses égales d’ailleurs, ce rapport sera d’autant plus élevé que le capital sera plus faible, et réciproquement. Or, pour qu’une forêt puisse être exploitée régulièrement à la révolution de deux cents ans, il faut que la superficie comprenne toute une série d’arbres âgés depuis un jusqu’à deux cents ans, et qu’elle représente par conséquent un capital beaucoup plus considérable que la forêt qui, exploitée à l’âge de vingt-cinq ans, ne renferme que des bois d’un à vingt-cinq ans. Il en résulte, et c’est d’ailleurs ce que confirme l’expérience, que le taux de placement est plus faible dans le premier cas que dans le second. Un particulier qui recherche avant tout l’emploi le plus lucratif de ses capitaux préférera donc toujours les révolutions les plus courtes ; rarement il sera conduit à les prolonger au-delà de quinze ans, terme qui correspond à un placement de 3 ou 3 1/2 pour 100, tandis que la futaie lui donnerait à peine 1 1/2 ou 2 pour 100. Son calcul est fort simple. Supposons qu’à l’âge de quinze ans l’hectare de bois vaille 500 francs ; la production moyenne sera la quinzième partie de cette somme ou 33 fr. : pour qu’il y ait bénéfice à différer l’exploitation jusqu’à la seizième année, il faudrait que pendant ce temps la valeur du bois, par le fait de la végétation, augmentât non-seulement de ces 33 francs de production annuelle, mais encore de l’intérêt des 500 francs qui n’ont pas été réalisés précédemment. En calculant ces intérêts à 3 pour 100, il faudrait qu’à seize ans l’hectare de bois valût 548 fr.,