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sa composition dans des données violentes, afin de lutter avec Sébastien, qu’il savait protégé et aidé par Michel-Ange. De là viennent la disparate et le désaccord pénibles qui existent, et dans la peinture elle-même, et dans le mode de composition, entre les deux moitiés de l’œuvre.

Guidé par son bon sens et par son bon goût, Raphaël a composé le groupe du Christ, de Moïse et d’Élie, ainsi que celui des trois disciples qui assistent sur le sommet du Thabor à cette scène miraculeuse, d’une manière idéale, peu affirmée, et l’exécution répond à la pensée ; au contraire, sous l’influence des circonstances que j’ai rapportées et tenant plus de compte d’une vérité en quelque sorte matérielle et textuelle que des nécessités pittoresques, il a donné à ceux de ces personnages qui sont au bas de la montagne ce caractère de naturalisme outré qui touche presque au mélodrame. Ainsi l’impression d’unité, nécessaire dans toute œuvre d’art, est détruite, l’esprit reste en suspens, et quoique Raphaël ait fait les plus grands efforts pour se surpasser lui-même dans cette composition et qu’on y trouve des beautés de premier ordre, on ne peut pas dire qu’il ait atteint le but qu’il se proposait, ni que le dernier de ses ouvrages ait la même valeur que ceux qui le précèdent immédiatement.


V

Raphaël se montre tout entier dans sa peinture. Il est peintre avant tout, et parmi les grands artistes de la renaissance, il est le seul qui soit aussi peu sorti de la spécialité qu’il avait adoptée. Ses travaux d’architecture, assez nombreux, ont cependant une certaine importance. Quoiqu’ils se distinguent moins par une originalité puissante que par un cachet de grâce, d’élégance, de distinction, dont le Sanzio a marqué toutes ses œuvres, ils prouvent l’aisance avec laquelle ce facile et souple génie sut appliquer ses rares facultés à l’une des branches les plus difficiles des arts du dessin, et dont il n’avait pas fait une étude particulière. Ami et protégé de Bramante, peut-être même son parent, en architecture il est son disciple, et les monumens qu’il a construits, avec moins de force et de sévérité, ont la pureté, la convenance et la beauté un peu grêle de ceux de son maître. Bramante en mourant avait recommandé Raphaël au pape, et Léon le nomma architecte en chef de la fabrique de Saint-Pierre. Raphaël n’en était pas d’ailleurs à son coup d’essai, car il avait déjà, comme successeur de Bramante, dirigé la construction de la cour de Saint-Damassus au Vatican.

Il se mit aussitôt à l’œuvre. Avant même sa nomination, il avait