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la couleur locale n’en soit pas agréable, et que l’on puisse reprocher à l’admirable enfant qui s’élance de son berceau un caractère académique qu’il serait inutile de contester, la Vierge de François Ier est une de ces créations où l’artiste a eu le bonheur de réaliser sa pensée d’une manière complète.

Si la Sainte Famille du musée du Louvre occupe, par son importance et par les beautés de tout genre qui s’y trouvent réunies, le premier rang parmi les tableaux de chevalet de Raphaël, la Madone entre saint Sixte et sainte Barbe de la galerie de Dresde la surpasse par la grandeur de la conception, par son caractère de simplicité sublime. Cette Vierge triomphante n’a plus rien de terrestre ; c’est une divinité sous la forme humaine. Son visage rappelle encore le type bien connu de la Fornarine, mais purifié et transfiguré. Entourée d’un chœur d’anges, les pieds sur les nuages, elle présente son fils au monde, et je ne crois pas que Raphaël ait jamais rien créé qui puisse se comparer à cet enfant vraiment divin. L’exécution elle-même de la peinture, ferme et large cependant, a quelque chose de léger, d’éthéré, d’immatériel, qui laisse à l’imagination toute sa liberté, et les yeux contemplent une de ces scènes surnaturelles que rêve l’esprit.

La Transfiguration fut le dernier ouvrage de Raphaël. Encore la mort le surprit-elle avant qu’il ne fût complètement achevé. Cette grande composition est loin de mériter les louanges sans réserve que quelques-uns lui ont données ; mais on outre-passe la vérité dans un autre sens, lorsqu’on lui conteste toute beauté, et il n’est pas non plus naturel d’attribuer à une sorte de décadence prématurée les réelles faiblesses qu’on y remarque. Dans certaines parties de la Transfiguration, Raphaël se montre aussi fort, aussi grand qu’il a jamais été. La figure du Christ montant au ciel, le Moïse et le prophète Élie qui l’accompagnent, sont au nombre de ses plus belles créations. Dans le groupe qui forme la partie inférieure de la composition, il serait injuste de méconnaître la disposition pittoresque des personnages, la beauté de quelques-uns d’entre eux, la justesse et l’éloquence des mouvemens, une science du clair-obscur que Raphaël n’a montrée dans aucun autre de ses ouvrages au même degré. Il est certain cependant que ce tableau laisse l’esprit irrésolu, troublé et mécontent, et je vois l’explication de ce fait bien moins dans un affaiblissement des facultés de l’Urbinate que dans le système erroné qui a présidé à la composition de cet ouvrage. La Transfiguration fut commandée à Raphaël, en même temps que la Résurrection de Lazare à Sébastien del Piombo, par le cardinal Jules de Médicis, qui fut plus tard pape sous le nom de Clément VII. Il est permis de penser que Raphaël conçut la partie inférieure de