Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/708

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les sujets de ces cartons sont empruntés aux Actes des Apôtres. Outre ceux que j’ai déjà cités, sur le sort desquels on ne possède aucun renseignement, ce sont : Saint Paul prêchant à Athènes, le Sacrifice de Lystra, la Pêche miraculeuse, le Christ et Saint Pierre, la Guérison du Paralytique, la Mort d’Ananie, le Magicien Elymas frappé de cécité. On le voit, si le mode d’exécution était nouveau, la nature des sujets l’était également. Les scènes purement historiques du Nouveau-Testament ont rarement été représentées par les peintres de la renaissance, et ce n’est que dans la chapelle Brancacci de l’église del Carmine que l’on trouve des compositions analogues à celles de ces tableaux. Nous savons par Vasari que Raphaël avait étudié les œuvres de Masaccio, qui, jusqu’au carton de la guerre de Pise de Michel-Ange, servirent pour ainsi dire d’école aux artistes de cette époque. Raphaël se souvint, en dessinant ces compositions, de ses premières études de Florence, et il emprunta aux admirables fresques de Masaccio et de ses élèves plusieurs des meilleures figures des cartons, celles entre autres de saint Paul dans Elymas frappé de cécité et dans la Prédication à Athènes, ainsi que celle de l’homme qui médite dans ce dernier tableau.

C’est dans ces cartons que se montrent dans tout leur éclat les plus éminentes qualités de Raphaël. Force et originalité de l’invention, beauté, des types, explication simple et dramatique du sujet, agencement clair et savant des groupes, distribution habile et large de la lumière, grand caractère des draperies, tout s’y trouve réuni. Je ne veux pas tenter une description d’autant plus impossible que ces ouvrages, étant conçus dans des données vraiment pittoresques, doivent être vus pour être compris. Je voudrais faire remarquer cependant quelle grandeur et quelle vérité Raphaël a su donner à son saint Paul, qui revient toujours le même et toujours différent dans plusieurs de ces compositions. Je ne connais rien de plus grand que cette figure de l’apôtre des gentils prêchant à Athènes,

Suspendant tout un peuple à ses haillons divins !


rien de plus dramatique et de plus émouvant que le même apôtre déchirant ses vêtemens dans le Sacrifice de Lystra. L’art semble ne lui avoir donné qu’une réalité historique plus grande, et c’est de lui que Bossuet a parlé : « Il ira, cet ignorant dans l’art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l’étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs, et malgré la résistance du monde il y établira plus d’églises que Platon n’y a gagné de disciples avec cette éloquence qu’on a crue divine. » Cependant ce n’est pas seulement dans ces grandes compositions que Raphaël a su mettre à ce degré suprême le style, la force, le