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qui est à lui. Cependant, du jour de son arrivée à Rome jusqu’à la fin de sa carrière, il exécuta, concurremment avec ses grands travaux, un nombre très considérable d’ouvrages moins importans qui sont loin sans doute d’être tous de même valeur, dont plusieurs sont en grande partie de la main de ses élèves, mais qui font pénétrer plus profondément que ses fresques elles-mêmes dans l’intimité de son génie. Les tableaux de chevalet de Raphaël sont ses œuvres d’élection. Leurs dimensions, le nombre restreint des personnages qui les composent, lui permirent de mûrir sa pensée, de condenser l’intérêt, d’accomplir l’exécution, et aussi de moins recourir à ces figures toutes faites, à ces remplissages qui, malgré leur beauté, font tache dans la plupart de ses grandes compositions. Dans ses tableaux de chevalet, il put tout soigner. Son génie particulier, sa grâce adorable, son exquise élégance, s’y montrent plus continuellement et sans voile. Dans ces compositions d’ordre moyen, presque tout est parfait. Si son talent, en se fortifiant, a perdu quelque chose de sa juvénile ingénuité, il a gagné des qualités d’ampleur, d’énergie, d’élévation, et non-seulement les compositions de l’Urbinate, à mesure qu’il s’est approché de la fin de sa vie, sont devenues plus complètes et plus robustes, mais à bien des égards elles ont plus de beauté et de perfection absolue que celles qu’il exécuta à Florence. Plus qu’aucun autre peintre, Raphaël a gardé jusqu’à sa mort cette fleur de jeunesse, cette fraîcheur, cette vivacité d’impression, qui ne sont moins évidentes dans les ouvrages de la seconde partie de sa carrière que parce que des qualités plus mâles les font jusqu’à un certain point oublier.

Dans les tableaux de chevalet qu’il exécuta pendant son séjour à Rome, Raphaël suivit le même courant d’idées et obéit à la même impulsion qui, dans ses fresques, l’avait fait passer de l’art représentatif à l’art dramatique, de compositions où l’ordonnance est simple, la scène, les pantomimes et les expressions tranquilles, à des ouvrages plus énergiques et plus passionnés de sorte qu’on peut classer ses tableaux de l’époque romaine en deux séries : la première, qui, à de fort rares exceptions près, ne renferme que ceux dont l’action est calme, qu’il a peints de 1509 à 1514 sous l’influence des mêmes impressions qui lui dictaient ses fresques de la salle de la Signature, et parmi lesquels on compte quelques-unes de ses plus belles œuvres, la Vierge de Foligno, la Vierge au poisson et la Sainte Cécile ; la seconde, allant de 1514 à 1519, formée de compositions dramatiques telles que les cartons d’Hampton-Court, la Vision d’Ezéchiel et le Spasimo, qui correspondent d’une manière assez précise aux peintures dramatiques des dernières salles du Vatican et aux décorations de l’église de la Pace. Cette classification n’est pas du reste d’une exactitude rigoureuse, et ce n’est pas un