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rappeler dans son Apollon un improvisateur célèbre de cette époque, très protégé par le pontife, et dont l’admirable Joueur de violon du palais Sciarra serait le portrait. Ce détail ne trouble du reste que fort peu l’harmonieuse et sereine beauté de l’ensemble. Raphaël a mis dans d’autres ouvrages plus de science et de force, mais il n’a jamais eu à un plus haut degré le sentiment vif et vrai de l’art antique, tel au moins qu’on le comprenait au XVIe siècle à Florence et à Rome.

La troisième composition, exécutée en 1511, représentant la Science, et connue sous le nom de l’École d’Athènes, est une conception complètement originale et sans aucun antécédent. Jamais aucun peintre avant Raphaël n’avait imaginé d’exprimer dans une œuvre de cette importance une idée aussi générale par une allégorie aussi vague, et c’est par des prodiges d’habileté qu’il a pu rendre intéressante une scène pour ainsi dire sans action, et qui ne se rattache à aucun fait précis. Sous le portique d’une vaste construction dans le goût de la renaissance, Platon et Aristote, l’un représentant l’Académie, l’autre le Lycée, se tiennent debout. Platon, le philosophe de l’idéalisme, montre le ciel de la main ; Aristote indique, par son geste dirigé vers la terre, que c’est dans l’observation rigoureuse des phénomènes naturels qu’il cherche les bases de sa méthode. Les philosophes, les savans de l’antiquité et quelques personnages contemporains du peintre sont groupés sur les marches du monument et sur le premier plan du tableau. Cette composition restera un sujet d’étonnement, d’admiration et d’étude pour tous ceux que charme et qu’émeut la beauté. Pour l’harmonie des lignes générales, pour l’habile distribution et la juste relation des groupes de personnages, le caractère élevé des types, des physionomies, des attitudes, des draperies, pour la couleur sobre, forte et vraiment historique, Raphaël n’a jamais surpassé l’École d’Athènes. C’est à la fois un grand effort de talent et une œuvre accomplie, mais c’est aussi le premier essai dans de pareilles proportions de cet art purement représentatif ou la science remplace l’inspiration poétique, où une pensée imparfaitement définie ne semble appeler les personnages qu’à témoigner par leur beauté du savoir et de l’habileté du peintre.

L’espace qu’occupe la quatrième fresque, la Jurisprudence, achevée en 1511, est percé d’une fenêtre comme celui sur lequel est représenté le Parnasse, et qui lui fait face. Raphaël tourna cette difficulté en divisant son sujet en trois compositions distinctes. De chaque côté de la fenêtre, il peignit deux scènes historiques, dont l’une, Justinien remettant le Digeste à Tribonien, personnifie le droit civil, et l’autre, Grégoire IX publiant les décrétales, le droit canon. Au-dessus de ces deux ouvrages se trouvent les trois admirables