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d’anges et de séraphins, occupe la portion supérieure de ce vaste ensemble.

On le voit, Raphaël, dans cette composition, ne sort pas des habitudes de l’art consacré. On en trouverait les élémens non-seulement dans les mosaïques anciennes, mais dans les fresques d’Orgagna au Campo-Santo de Pise et à Sainte-Marie-Nouvelle, dans le Jugement dernier de Fra Bartolomeo à l’hôpital de Sainte-Marie-Nouvelle, et dans la plupart des ouvrages de ce genre des XIVe et XVe siècles inspirés du poème de Dante. Raphaël lui-même avait adopté cette disposition dans sa fresque de San-Severo de Pérouse, et il ne fit que la développer dans la salle du Vatican. Ses préoccupations de l’art sacerdotal se retrouvent non-seulement dans la disposition symétrique de l’ensemble, mais aussi dans l’application de l’or à quelques détails d’ornementation et dans le caractère des têtes, qui rappellent les portraits des maîtres primitifs ; mais ce qui est bien de Raphaël dans cette fresque célèbre, c’est la grande ordonnance, l’unité d’impression, l’harmonie des lignes générales, la beauté des types, qui font de la Dispute du Saint-Sacrement une œuvre vraiment originale et bien supérieure à celles qui lui ont servi de modèles.

La seconde des compositions qui ornent la salle de la Signature, Apollon au milieu des Muses, fut exécutée en 1510, et ne porte plus aucune trace de la manière des maîtres primitifs : c’est l’antiquité dans ce qu’elle a de plus poétique et de plus gracieux, mais l’antiquité vue, comprise et sentie par Raphaël. Tout appartient au jeune maître dans ce bel ouvrage, aussi bien la composition que le mode d’exécution. La nature du sujet et la disposition de l’espace qu’il devait décorer, tout lui conseilla de s’abandonner à son seul génie. La fresque de la Poésie occupe en effet le dessus et les deux côtés d’une fenêtre qui s’ouvre sur la cour du Belvédère ; mais Raphaël sut tirer le plus heureux parti d’un emplacement qui paraît au premier abord si défavorable. Apollon Musagète, la tête levée vers le ciel et jouant du violon, marque la partie centrale de la composition. Il est assis au sommet d’une éminence ombragée de lauriers. Autour de lui, sur les pentes de la colline qui descend des deux côtés de la fenêtre, se groupent les Muses, les poètes de la Grèce, de Rome et ceux de l’Italie moderne. On s’est demandé pourquoi Raphaël, qu’un goût si sûr conduit d’ordinaire, au lieu de donner à Apollon la lyre traditionnelle, lui avait mis dans les mains un disgracieux violon. Tel n’avait pas été d’abord son dessein, car une gravure de Marc-Antoine, qui nous donne l’esquisse de cette composition, représente le jeune dieu avec l’instrument de son choix, et M. Passavant suppose avec beaucoup de vraisemblance que Raphaël avait dû obéir dans cette circonstance à une suggestion de Jules II, et