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deux bataillons russes et d’une batterie de six pièces qui commandait la rive opposée. La journée se passe à tirailler. À la fin, deux gués sont découverts aux extrémités de l’île. La brigade d’Osman-Pacha parvient à gagner la rive opposée avec une perte d’une cinquantaine d’hommes. En même temps le major Simons, officier anglais détaché auprès du serdar, franchit l’autre gué sans être aperçu, et tombe inopinément sur les Russes, qui se voient obligés de battre en retraite en abandonnant trois de leurs pièces. Cette affaire coûte aux Turcs 310 hommes tués ou blessés. Malgré l’insignifiance de cette perte, le serdar juge indispensable de donner à son armée deux jours de repos. Le 9, il se décide à reprendre son mouvement et arrive à Zugdidi, gros village situé à douze milles de Koki et à quatre de Rouki. Après cet effort, il donne encore cinq jours de repos à son armée. Les reconnaissances qu’il avait poussées au loin dans l’intervalle lui ayant appris que les Russes avaient complètement évacué le pays, il semblait qu’il dût suivre la route qui mène directement à Koutaïs ; mais non : le 15, au sortir de Zugdidi, il se rejette sur sa droite, en se rapprochant ainsi de la mer. Enfin le 17 novembre il atteint la grande route de Tiflis, et se retrouve, après dix-sept jours de campagne, à quelques heures de Redout-Kalé !

La correspondance anglaise, si explicite, si détaillée en ce qui touche les autres généraux turcs, ne nous parle des opérations d’Omer-Pacha qu’avec une extrême réserve. Nous n’y trouvons qu’une seule dépêche du major Simons ; encore cette dépêche semble-t-elle être une simple apologie de la conduite d’Omer-Pacha, elle nous explique que, par cette marche savante, le serdar avait pris à revers les ouvrages élevés par les Russes sur la route en avant de Redout-Kalé ; mais elle ajoute fort mal à propos que les Russes s’étaient mépris sur la valeur de la résistance qu’ils pouvaient opposer à l’armée turque. « Les ennemis, dit cette dépêche, ont abandonné le pays ; ils ont brûlé leur flottille de guerre sur le Rion, leurs établissemens et leurs magasins. Tout démontre qu’ils ne nous attendront pas à Koutaïs. Ils défendront tout au plus le passage du Tcheniss-Zkal pour se donner le temps de faire filer leurs bagages et leurs convois de malades et de blessés. »

N’ayant pas les mêmes ménagemens à garder, nous n’hésiterons point à dire que les motifs allégués par le major Simons ne nous semblent nullement concluans. Une fois maître de la route de Tiflis et par là même assuré de ses communications avec Bathoum et Redout-Kalé, le serdar marche-t-il plus rapidement ? Nullement ; il prend position sur les bords du Tikour, et y reste quinze jours. À force d’attendre, le temps, qui était resté magnifique jusque-là,