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de là cette politique qui voulait que l’on affaiblît ses voisins et que l’on se mît en travers de leurs tentatives d’agrandissement. Les intérêts des peuples, lorsqu’ils se gouvernent librement dans le cercle légitime de leur nationalité indépendante et satisfaite, peuvent être divers, mais ils ne sont point hostiles les uns aux autres ; ils se complètent au contraire et se servent mutuellement par leur diversité même. Les cours de l’ancienne Europe se disputaient des provinces sans s’inquiéter des élémens de nationalité qui existaient sur les territoires contestés. Les peuples se gouvernant librement n’ont ni l’intérêt ni le goût de râpiner des territoires et d’opprimer des nationalités. Nous sommes donc convaincus que la France, qui finira bien sans doute avant peu par arriver à la liberté, n’aurait rien à envier à une Italie grande et indépendante, n’aurait rien à redouter d’une Italie libre, aurait au contraire beaucoup de profit à retirer d’une Italie qui, gouvernée raisonnablement, entrerait dans la vie industrielle et commerciale des sociétés modernes, et mettrait en valeur, conformément à l’esprit de notre époque, par des routes, des chemins de fer et l’utile application des capitaux, les richesses naturelles du plus beau pays de l’Europe. Nous croyons que la politique vraiment libérale et intelligente est pour la France de surveiller les nouveaux rirolgimenti de la péninsule sans hostilité contre le mouvement unitaire. Nous sommes de l’avis d’un éloquent orateur, M. Jules Favre, qui esquissait naguère le véritable système de la politique française dans la Méditerranée en dessinant ce grand triangle des races latines, qui a la France pour sommet, l’Espagne et l’Italie pour côtés, et pour base notre rive africaine. La France est intéressée à voir ce triangle s’achever par la renaissance de l’Italie. L’Angleterre est intéressée aussi à l’affranchissement et à l’organisation nationale de l’Italie par le libéralisme de sa politique et son esprit commercial. Loin de découvrir dans les nouveaux événemens italiens, comme le veulent les esprits mal faits, des causes d’antagonisme entre la France et l’Angleterre, nous n’y voyons au contraire que des motifs de rapprochement. On dit que l’Angleterre a des desseins sur la Sicile : il faut être bien ignorant de l’esprit actuel de la politique anglaise pour remettre en circulation cet absurde lieu commun. Le libéralisme anglais veut que la Sicile soit bien gouvernée, et cela suffirait aux intérêts commerciaux de l’Angleterre ; mais comment peut-on ignorer, et combien il serait difficile à l’Angleterre de faire la conquête de la Sicile, et combien les idées d’acquisitions semblables sont antipathiques aujourd’hui à sa politique ? Reste l’Autriche, la puissance qui croit à la force de la lettre des anciens contrats, et qui ne sait pas en perpétuer l’esprit et la vie ; l’Autriche, qui verra une menace directe contre elle dans le ralliement de toutes les parties de l’Italie à la cause de l’indépendance. L’état de ses finances et les réformes intérieures rendues nécessaires par ses récens malheurs ne lui permettent pas de rien tenter par la force ; elle peut même se consoler de son inaction et s’en faire un système par la pensée que l’expérience des révolutions italiennes justifiera son ancienne politique de compression dans la péninsule. Au besoin, la France et