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d’une politique intérieure ombrageuse et exclusive. Le Paraguay a donc eu ses aventures, les unes assez heureuses comme sa médiation dans les affaires argentines, d’autres plus scabreuses comme son démêlé avec les États-Unis.

C’était au fond une vieille querelle. Les causes de mésintelligence entre les deux états s’étaient accumulées. Il y a quelques années déjà, un citoyen américain, M. Hopkins, grand organisateur d’affaires, consul de l’Union à l’Assomption, chef d’une compagnie de navigation, s’était vu atteint dans ses intérêts particuliers aussi bien que dans son caractère consulaire par l’expulsion dont il avait été l’objet, et même un de ses parens avait eu le singulier désagrément d’être sabré par un soldat paraguayen pour ne s’être pas conformé à une consigne. Ce n’est pas tout. Un bâtiment américain, le Water-Witch, chargé de l’exploration scientifique des rivières de la Plata, avait été canonné à son entrée dans les eaux du Paraguay. Enfin un traité de commerce et de navigation avait été négocié et signé en 1853 entre les États-Unis et le Paraguay. Ce traité, amendé par le sénat de Washington, n’avait pas été ratifié sous sa forme nouvelle à l’Assomption. Les griefs, on le voit, étaient de diverse nature, et les États-Unis avaient annoncé l’intention où ils étaient de faire entendre raison au président Lopez. Dès les premiers jours de 1859, une escadre américaine se présenta dans la Plata, sous les ordres du commodore Sihubrick, qui était accompagné du capitaine Page et d’un commissaire extraordinaire, M. Bowlin, porteur, dit-on, d’un ultimatum assez effrayant. La situation devenait critique, car M. Lopez ne pouvait songer à opposer une résistance bien sérieuse.

En présence de cette menace de guerre, les médiations, selon l’habitude, se multiplièrent. Le Brésil avait proposé la sienne, et la faible République-Orientale elle-même offrait de s’interposer ; mais le général Urquiza, devançant toutes les démarches, se hâtait de se rendre à l’Assomption pour porter au président Lopez moins une promesse de secours que l’autorité de ses conseils, et lui ménager au besoin une capitulation convenable. Une négociation s’ouvrit donc, avec le concours, d’ailleurs tout officieux, du général Urquiza. Le président Lopez n’était point évidemment en position d’être bien difficile ; il fit pourtant bonne contenance, et ce ne fut pas sans peine que le général Urquiza lui fit accepter des conditions qui n’avaient au surplus rien de bien dur. Le commissaire américain n’obtenait pas tout ce qu’il avait été chargé de demander ; mais, en voyant de plus près les choses, il avait compris sans doute qu’obtenir beaucoup plus ne serait pas une grande victoire. De son côté, M. Lopez avait l’air de ne céder qu’à l’intervention pressante du général