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plus d’un embarras dans l’exécution de ce traité. Lorsque la convention récemment élue s’est réunie à Buenos-Ayres, elle a paru, dès les premières séances, se diviser en deux partis assez tranchés, dont l’un était d’avis d’accepter purement et simplement la constitution fédérale actuelle, sauf à en demander plus tard la révision, tandis que l’autre semblait disposé à réclamer, comme préliminaire de la fusion définitive, la réforme de divers articles constitutionnels, ce qui entraînerait de nouveaux retards. Une autre difficulté s’est élevée lorsque le gouvernement de Parana a voulu envoyer un commissaire à Buenos-Ayres pour prendre possession de la douane, replacée désormais sous la juridiction de l’autorité fédérale. L’administration de Buenos-Ayres s’est opposée à cette mesure, qu’elle représentait comme prématurée et ne devant avoir lieu qu’après la complète réincorporation de la province.

Enfin, pendant que s’agitaient et se dénouaient à demi toutes ces luttes, un fait important s’est produit dans la confédération. Un nouveau président a été choisi pour remplacer le général Urquiza, dont les pouvoirs allaient expirer, et qui a tenu à démentir par son désintéressement les prédictions de ceux qui l’accusaient de vouloir perpétuer son autorité. Le nouvel élu est le ministre de l’intérieur de la dernière présidence, M. Santiago Derqui, qui n’est pas moins attaché que le général Urquiza aux idées fédérales. Buenos-Ayres aura donc à ratifier ce choix auquel elle est restée étrangère, et comme elle a elle-même, d’un autre côté, à élire prochainement un gouverneur provincial, il reste à se demander si elle ne cherchera point à opposer, par la désignation qu’elle fera, quelque protestation indirecte contre le sens généralement attaché à la nomination du nouveau président fédéral. La république argentine a donc à concilier les gages de paix qui sont tout entiers dans le traité du 11 novembre 1859 avec les mille difficultés qui naissent de l’exécution pratique de ce pacte si laborieusement conquis. Ici encore les intérêts du pays et les passions des hommes sont en lutte, de telle manière qu’on ne saurait dire au juste si ces événemens sont le prélude d’une ère de paix définitive ou une halte entre les dissensions de la veille et les troubles du lendemain.

Et le Paraguay n’a-t-il point sa place dans cet ensemble de choses ? Le Paraguay n’est point sans avoir eu, lui aussi, ses tribulations récentes et ses petites péripéties, tribulations de l’ordre diplomatique surtout, car depuis que le président Lopez, chef invariable de la république paraguayenne, a voulu faire une figure dans le monde, il s’est attiré successivement mainte querelle. C’était la conséquence à peu près inévitable de cette combinaison bizarre d’une politique extérieure d’apparence un peu libérale pratiquée avec les habitudes