Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/1012

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lègue au ministère en 1856, par la confiance que la reine met en lui, M. Rios-Rosas s’est trouvé l’homme naturellement désigné pour donner une expression parlementaire à la situation actuelle, pour être l’organe d’une politique ralliant le gouvernement et les chambres. Intégrité de la monarchie constitutionnelle, point de fusion dynastique, point de velléités de réaction, conciliation des différens intérêts représentés par les partis légaux, réforme de l’organisation publique dans un sens libéral, nécessité de lois nouvelles et plus larges sur la presse, sur les municipalités et les provinces, sur les incompatibilités parlementaires, sur les fonctions publiques, ce sont là les traits principaux du programme tracé par M. Rios-Rosas, et ne fût-il appliqué qu’à demi ou à peu près, il est assurément de ceux qui sont faits pour raffermir une situation. L’Espagne s’est déjà sauvée une fois d’autres périls par ses institutions libérales, appuyées sur un vigoureux sentiment monarchique. Les conditions de l’Europe ne sont plus ce qu’elles étaient en 1848 ; elle sont assez graves pour qu’un pays comme la Péninsule songe à ne chercher qu’en lui-même la garantie de sa sécurité, le conseil et les moyens d’une action indépendante. Il n’y a que le libéralisme encore une fois, un libéralisme vrai, sincère, conservateur, qui puisse conduire heureusement le peuple espagnol à travers tous les écueils du temps, d’autant plus que les aventures de l’absolutisme n’ont vraiment rien qui doive piquer d’émulation aujourd’hui. C’est donc au double point de vue de la situation générale de l’Europe et des nécessités intérieures de l’Espagne que la politique formulée dans l’adresse du congrès de Madrid a une certaine importance, si elle est le préambule d’une réorganisation du cabinet où le général O’Donnell resterait avec son prestige militaire, et où M. Rios-Rosas entrerait avec des vues libérales qui répondent à un sentiment universel. Tout semble indiquer quelque évolution de ce genre qui se réalisera sans doute après les premiers débats des chambres.

Nous nous étions attendus depuis longtemps au sort que vient d’avoir dans la chambre des communes le bill de réforme électorale de lord John Russell. Ce bill a été enfin retiré, non sans que les dernières scènes de cette longue controverse aient donné lieu à de curieux incidens. Lord John Russell a défendu jusqu’au bout son œuvre de prédilection avec cette opiniâtreté tranquille et souvent malheureuse qui ne l’abandonne jamais. Pour le décider à renoncer à son bill, il a fallu qu’un vote où le ministère n’a obtenu dans une chambre très nombreuse qu’une majorité insignifiante vînt l’avertir qu’un échec signalé était proche. Un membre du parti whig, M. Mackinnon, avait présenté, à la motion qui demandait la formation de la chambre en comité, c’est-à-dire la discussion des articles, un amendement tendant au renvoi de la discussion jusqu’au moment où serait terminé le recensement qui va être entrepris pour constater le nombre des électeurs que créeraient les nouvelles catégories du bill de réforme. Cet amendement équivalait à un ajournement indéfini, et par conséquent au rejet du bill ;