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zégovine et la Bulgarie. Ce sont celles qui touchent à la Servie et aux principautés roumaines. Sans doute les chrétiens de ces provinces ont droit à la sympathie des nations occidentales, et ils n’ont qu’à regarder la Servie et la Roumanie pour se convaincre que le patronage le plus efficace qu’aient dans ces derniers temps obtenu leurs voisins est celui de la France, que ce patronage a été même assez puissant pour assurer en Moldavie et en Valachie la renaissance d’Une nation. C’est bien en effet un peuple qui renaît en Roumanie sous l’administration intelligente et zélée du prince Couza, et les chrétiens d’Orient, ceux surtout auxquels la Russie vient de prodiguer les témoignages stériles de sa sollicitude intéressée, peuvent voir dans ce réveil du peuple roumain la promesse de leur régénération politique. La Roumanie est reconnaissante envers la France, et elle le prouve en s’efforçant de resserrer chaque jour davantage les sympathiques liens qui l’unissent à nous. Si nous sommes bien informés, le gouvernement roumain songerait à demander à la France une colonie de savans, d’administrateurs, d’ingénieurs, qui organiseraient dans les principautés, sur le type des institutions françaises, l’instruction publique, l’administration, des établissemens de crédit, un système de routes, qui apprendraient en un mot aux Roumains à tirer parti des magnifiques ressources que présente leur beau pays. Déjà le gouvernement moldo-valaque a décidé l’adoption de notre système de poids et mesures, et il va faire refondre ses monnaies à Paris même, sur le type français ; seulement, dans les principautés, notre unité monétaire, le franc, s’appellera le roumain. De tels projets, en appelant sur les bords du Danube l’esprit d’initiative de la France et nos procédés de civilisation, fraient avec intelligence une voie féconde aux capitaux de notre paya et fortifieront bientôt par l’échange des services et la communauté des intérêts les liens qui attachent déjà la France à l’existence et aux progrès de la Roumanie. Voilà, si nous ne craignions pas d’employer un mot arrogant, la protection légitime que peut donner la France aux chrétiens d’Orient et les bienfaits pratiques que des populations pleines d’avenir peuvent attendre d’un peuple libéral et vraiment civilisé. En grandissant, l’œuvre de la Roumanie aidera infailliblement à l’amélioration de la Bulgarie. De même les progrès de la Servie entraîneront ceux de la Bosnie et de l’Herzégovine, et peut-être le temps n’est-il pas éloigné où les politiques pratiques, appelant ces populations chrétiennes à l’autonomie, pourront rassembler dans un lien fédéral de véritables états-unis du Danube, capables de faire respecter leur indépendance par l’envahissante Russie autant que par la Turquie défaillante.

En Orient, plus qu’en Italie encore, les progrès de l’avenir peuvent être compromis par les intérêts égoïstes des puissances dont ces progrès naturels et légitimes contrarient les desseins. Nous croyons que la restauration des libertés hongroises, si désirable en soi, serait aussi une forte garantie pour le développement des populations danubiennes qui sont encore reliées à l’empire turc. Soit que l’on pense, comme les Hongrois, dont M. Horn s’est