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car pour l’obusier de 15 centimètres, il n’avait jamais donné que de médiocres résultats.

La guerre d’Orient devait faire justice de ces craintes : dès les premières affaires, l’artillerie de campagne française prit une supériorité décidée sur celle des Russes. À la bataille de l’Aima, les deux premières pièces qui avaient gravi la hauteur, à la suite du général Bosquet, purent se maintenir quelque temps seules contre plusieurs batteries ennemies. Au centre, deux batteries à cheval, croisant leur feu sur les bataillons russes qui soutenaient les tirailleurs avancés, les détruisirent en quelques minutes, et livrèrent à la troisième division le chemin qu’elle suivit pour enlever la position du télégraphe. On sait enfin quelle terrible exécution les canons-obusiers firent un mois plus tard à la sanglante bataille d’Inkerman. Dès lors la cause était décidément jugée, et il ne s’agissait plus que de compléter la transformation de l’artillerie de campagne. Pour ne pas refondre les canons de 8, on essaya de les forer au calibre de 12. Non-seulement l’opération se trouva bonne ; mais, par une chance heureuse qui fait bien voir ce qu’il y a encore d’incertitudes dans les questions relatives aux bouches à feu, cette pièce de rencontre est regardée par beaucoup d’officiers comme supérieure à celle que l’on avait déterminée par le calcul.

Tout avantageuse que soit cette réforme, elle paraît cependant devoir s’effacer devant les améliorations plus importantes qui s’exécutent en ce moment, et dont la guerre d’Italie a consacré le succès. Appliquer aux canons le système des rayures, dont l’avantage est si grand pour les carabines, était une idée trop naturelle pour ne pas se présenter tout de suite à l’esprit ; mais l’exécution offrait d’immenses difficultés. Si le plomb métal très mou, se moule sans obstacle sur le fer du fusil, la fonte dont sont faits les gros projectiles ne jouit pas de cette propriété, et dans la pression que ceux-ci exercent sur la bouche à feu, c’est cette dernière qui se dégrade. Faire des boulets en plomb a été proposé, ce n’était pas acceptable ; ils coûteraient fort cher, et le peu de dureté du métal les rendrait sans action contre des obstacles résistans. Les procédés employés pour les petites armes ne réussissent donc plus, lorsqu’il s’agit de celles d’un gros calibre, et il faut recourir à d’autres moyens.

Le premier essai dans une voie originale appartient à l’Angleterre[1]. On se souvient peut-être de la réputation faite il y a cinq

  1. Nous ne parlons que pour mémoire des expériences faites par le gouvernement prussien pour allonger les portées par l’emploi de boulets dont le centre de gravité ne coïncidait pas avec le centre de figure, parce que ces essais ont eu peu de succès, et que ces projectiles étaient destinés à des canons à ame lisse. Ainsi que la théorie le faisait pressentir, on a reconnu qu’il y avait une légère augmentation de portée lorsque l’hémisphère lourd du boulet était placé en avant ou en haut.