Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/891

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les crises monétaires sont des malheurs d’un autre ordre, heureusement plus faciles à conjurer, car ils dérivent de règlemens que la métropole a faits et qu’elle peut défaire. Dans le régime actuel, les produits principaux de l’île, le sucre, le café, la vanille, représentant les 99 centièmes de ses denrées d’exportation, ne peuvent être expédiés qu’en France, d’où la colonie reçoit en retour une partie notable de ses importations, non la totalité. Le reste de ses approvisionnemens, qu’elle est autorisée à faire à l’étranger, à des conditions fort onéreuses du reste, ne pouvant être payés en marchandises, ni en traites d’un placement difficile, elle l’acquitte en numéraire. Une telle condition est en désaccord avec toutes les lois économiques et naturelles ; elle appauvrit sans cesse le pays de monnaie métallique et crée des embarras fréquemment renouvelés pour toutes les transactions. En vain des analyses de galets ou de sables aurifères que la mer rejette sur le rivage promettent qu’un jour La Réunion, comme depuis dix ans la Californie et l’Australie, acquittera sa dette commerciale en métaux précieux : cette nouvelle source de richesses, redoutée d’ailleurs par beaucoup d’esprits comme une future cause de perturbation, ne s’annonce encore que par des essais chimiques et industriels, et il faut à des besoins urgens des expédiens plus immédiats. Après bien des théories qui n’ont pas abouti, l’on a réclamé et obtenu l’intervention du Comptoir d’escompte de Paris pour qu’il installât à La Réunion et à Maurice une agence chargée de fournir des espèces ou des traites sur Bombay, Madras et Calcutta, les principaux centres d’affaires à l’étranger pour le commerce de Bourbon. Ce secours ne s’annonçant que comme transitoire, étant sans doute d’ailleurs quelque peu cher, on poursuit, en vue d’un résultat analogue, des changemens aux statuts de la banque locale, on demande la création d’une bourse, on élabore un projet de société entre capitalistes et habitans ; on appelle surtout des réformes dans le régime commercial, et par là seulement on entre dans le vif de la question.

Organe des vœux et des intérêts de la colonie et devançant à cet égard le programme impérial, la chambre d’agriculture de La Réunion a réclamé le dégrèvement du sucre des colonies, et particulièrement la suppression de la surtaxe sur les sucres de qualité supérieure au premier type ; elle a sollicité en outre la liberté d’exporter à l’étranger les produits du sol avec la faculté correspondante d’importer les produits étrangers en franchise ou sous des taxes plus modérées qu’aujourd’hui. La Réunion possède autour d’elle des marchés où elle trouverait facilement à verser ses richesses, le Cap, l’Australie, pays à l’état naissant, où fermente l’ardeur de la jeunesse dans une fièvre continue de production et de consommation ; mais par une inconséquence qu’inspire peut-être moins la conviction