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tentés dans l’Inde et la Chine ; on les reprit, encouragé que l’on était par l’exemple de l’île Maurice, où une population d’engagés, substituée aux affranchis, avait renoué la tradition du travail et provoqué un puissant essor de prospérité. Par plusieurs de ses côtés, cette grande question de l’immigration intéresse toutes nos colonies ; mais pour ne pas sortir du cadre de cette étude, nous n’en dirons que ce qui a trait particulièrement à La Réunion.

Mieux que les Antilles, La Réunion pouvait, grâce à sa situation géographique, tirer parti de nos établissemens de Pondichéry et de Karikal pour recruter des immigrans ; elle en obtint en effet dès 1851 et les années suivantes quelques milliers, et le nombre eût été plus considérable, si, en dehors du territoire fort restreint de ces deux villes, les agens avaient pu librement faire appel aux cultivateurs du voisinage, sujets de la compagnie des Indes. Toutes les tentatives pour élargir le champ d’opérations furent entravées par des règlemens de la compagnie et même par des poursuites. Néanmoins le courant d’émigration indienne a repris vers la fin de 1858 ; mais une part en a été dirigée par l’administration sur les Antilles françaises, et La Réunion n’a plus bénéficié qu’à concurrence de mille ou deux mille coolies par an de la pépinière humaine qu’elle avait découverte.

La Chine eût plus justement mérité ce titre de pépinière, si elle avait livré à l’émigration ses contingens disponibles ; on essaya d’un convoi de Chinois sans aucun succès, malgré l’aptitude incontestable de cette race au travail agricole, parce qu’on prit des individus choisis un peu à la hâte et à la légère dans les rues de Singapore et dans l’archipel malais. Les préférences des colons ont toujours été pour les races malgache et africaine, plus vaillantes au labeur, plus faciles à acclimater, plus honnêtes et moins chères. De ce côté survinrent d’autres déceptions. À Madagascar, la reine des Hovas défendit toute émigration de ses sujets, et les capitaines furent réduits à traiter, non sans risques, avec les populations sakalaves, qu’ils avaient droit de considérer comme indépendantes. Les îles Comores, qui étaient d’un accès plus facile, ne pouvaient fournir qu’un mince apport. Dans les parages de Zanzibar, où la marchandise humaine (tel est le mot vrai) se trouvait plus abondante, l’exportation était gênée par les traités du sultan avec la couronne d’Angleterre. À Mozambique seulement, l’autorité portugaise se prêta quelque temps à ce genre de transactions, non sans varier dans ses actes, favorable quand elle s’inspirait de ses traditions nationales, sévère quand elle écoutait la voix de la métropole, docile elle-même aux vœux du cabinet anglais. On se souvient comment la saisie, dans les eaux de Mozambique, du Charles-George, navire de La Réunion, faillit amener la guerre entre la France et le Portugal. Sans