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du titre de Sainte-Cécile et vice-roi de Catalogne. L’aîné fut Jules Mazarin.

Il naquit le 14 juillet 1602 à Piscina, dans les Abruzzes. Sa mère, déjà grosse, était venue y passer les plus fortes chaleurs de l’été dans une abbaye qui appartenait à son frère, l’abbé Bufalini : elle y accoucha, et revint quelques mois après à Rome, où l’enfant reçut le baptême à l’église de Saint-Silvestre, dans la paroisse de Saint-Vincent et de Saint-Anastase[1]. Il était né coiffé et avec deux dents, circonstance de bon augure selon les croyances populaires, et à laquelle le cardinal lui-même se plaisait à faire allusion. On l’appela Jules, ou du nom d’un de ses oncles, le chevalier Jules Bufalini, ou de celui de son grand-oncle, le père Jules Mazarin, de la compagnie de Jésus, prédicateur et écrivain alors en réputation.

Dès l’âge de sept ans, on le mit au Collège Romain, que dirigeaient les jésuites. Il y eut constamment les plus grands succès. À la fin de ses études, lorsque parut la célèbre comète de 1618, le père Grassy, l’astronome de la compagnie, fit soutenir au jeune Jules, alors âgé de seize ans, des thèses publiques sur cet intéressant sujet dans la grande salle du collège, en présence d’une nombreuse assemblée de cardinaux, de princes et de lettrés. Mazarin déploya dans l’argumentation une adresse, une fermeté, une éloquence qui lui valurent des applaudissemens unanimes. Un peu plus tard, les jésuites, pour célébrer la canonisation de saint Ignace, donnèrent une grande représentation dramatique, à laquelle ils invitèrent tout ce qu’il y avait à Rome de plus considérable ; mais ils ne savaient à qui confier le personnage de saint Ignace, le héros de la pièce. Ils s’adressèrent à leur ancien élève, qui, après s’être fait un peu prier, finit par accepter, et joua son rôle en ses diverses parties avec une telle vérité que toute l’assemblée fut transportée d’admiration, et le jeune acteur fêté et célébré comme le plus grand comédien qu’on eût jamais entendu. Cette réputation, commencée sur la scène du Collège Romain, nous la lui verrons soutenir dans les comédies de tout genre où le sort l’appela à jouer des rôles encore plus difficiles que celui de saint Ignace.

Jules Mazarin, à la fleur de l’âge, était beau comme sa mère, doux et vif, insinuant et hardi, du visage le plus ouvert et de la gaieté la plus aimable, comme aussi d’une finesse voisine de l’artifice, d’une merveilleuse aptitude à toutes choses, et particulièrement à l’intrigue. Quel sujet pour les jésuites ! Aussi les pères de la compagnie

  1. Tel est le récit de Benedetti, et Brienne dit aussi, t. Ier p. 283 : « Il signor Giulio naquit dans le bourg de Piscina en Abruzze, et reçut le baptême dans l’église de Saint-Silvestre de Rome. » Le mémoire anonyme fait naître Mazarin à Rome, où en effet il avait été conçu et où il fut baptisé. Les deux versions se peuvent donc accorder.