Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seront volontaires. Plus d’obscurité, plus de silence, plus de volonté absolue, plus de caprices souverains. On a souvent parlé de la monarchie toute paternelle des empereurs d’Autriche ; l’enfance des peuples n’a que trop duré, et il convient de les appeler à une existence toute virile. C’est à un autre âge en effet qu’appartiennent les procédés du gouvernement impérial, dont les volontés les plus importantes se manifestent par des patentes, des notes ou de simples lettres. La nation aujourd’hui veut être consultée, invoquée, obéie. Les nécessités actuelles exigent qu’elle donne son argent, qu’elle s’épuise pour apporter au pied du trône le peu de numéraire enfoui dans le fond des provinces ; mais on n’obtiendra pas ce dernier écu nécessaire sans donner des garanties efficaces contre le retour des prodigalités, des mesures ruineuses, des expédiens malhonnêtes. La commission de surveillance de la dette, dont quatre membres sur sept sont nommés par la chambre de commerce, par les directeurs de la banque nationale et les banquiers de Vienne, ne répond en rien au besoin des contribuables de voir clair dans leurs propres affaires ; c’est jouer un jeu dangereux que de s’arrêter à ces moyens dérisoires en face de pareils embarras.

Nous ne parlons que d’embarras ; n’y a-t-il pas aussi des dangers ? La paix de Zurich a-t-elle rendu à l’Autriche assez de repos pour ne lui laisser d’autre soin que de liquider les dettes du passé ? Poser cette question, dont la discussion nous entraînerait peut-être trop loin, c’est la résoudre dans le sens le plus favorable aux mesures que nous avons indiquées. Si en effet le gouvernement impérial a de nouveaux et de plus grands sacrifices à imposer à ses peuples, si, après leur avoir demandé des souscriptions pécuniaires, il a besoin de leur sang pour des luttes nouvelles, qu’il se hâte de donner satisfaction à leurs justes griefs, qu’il les convoque, par la libre discussion de ses actes et de ses résolutions législatives, à prendre leur part de responsabilité dans des événemens d’où dépendrait le sort de la patrie.

Nous ne voulons pas finir par un parallèle qui manquerait peut-être de vérité ; nous ne pouvons cependant nous empêcher de comparer l’état intérieur de l’Autriche à celui de la France avant 1789. Le désordre financier est non-seulement le même, mais encore plus grand : la dette publique atteint en Autriche des proportions beaucoup plus vastes que dans l’ancienne France ; une banqueroute y occasionnerait des bouleversemens plus profonds dans la fortune mobilière du pays. Par rapport aux expédiens financiers, la disposition est semblable à fermer une plaie pour en ouvrir une autre, à déplacer le mal en l’aggravant, à s’aveugler sur les conséquences de moyens précaires, et à se contenter de mensongères espérances. Nous ne trouvons pas, il est vrai, en Autriche ces haines invétérées