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de l’amirauté, écrivit à sir Humphry Davy une lettre dans laquelle il lui représentait que les clubs avaient déjà absorbé une grande partie de la société anglaise, et qu’il était urgent de fonder une institution du même genre pour les hommes des professions libérales, autour desquels commençait à se faire sentir le vide. L’année suivante, un comité se forma, composé de tout ce que l’Angleterre comptait alors d’illustre. En 1830, la société, qui s’était d’abord logée dans un bâtiment provisoire, prit triomphalement possession de l’édifice construit dans Waterloo-Place, d’après les dessins de M. Decimus Burton, et qui est aujourd’hui l’Athenœum Club home. Le nombre des membres était d’abord plus ou moins fixé à douze cents ; mais il s’éleva plus tard à douze cent cinquante et même au-delà pour embrasser les noms des personnes éminentes. Avoir ses entrées à l’Athenœum est encore considéré aujourd’hui par certains Anglais comme un titre de distinction : à coup sûr, tous les habitués du club ne cultivent point les arts ni les sciences ; mais ils sont censés les aimer et les protéger.

Un autre club littéraire, mais surtout dramatique, s’élève sous l’invocation de Garrick. Il y a un an, le Garrick Club home fut grandement ému par l’une de ces dissensions intestines, je dirais presque par une de ces querelles de ménage que les Anglais appellent une tempête dans une théière. L’origine de tout ce fracas était un article publié dans un petit journal, le Town Talk, par un jeune homme du club, M. Edmund Yates, et dans lequel un autre membre important du club, M. Thackeray[1], crut voir une injure portée à son caractère. Le comité intervint et somma l’auteur de l’article de faire des excuses à M. Thackeray ou de se retirer. L’affaire menaça de dégénérer en un procès, car M. Yates, dont le nom avait été rayé de la liste du club, voulut appeler de cette mesure dictatoriale devant les tribunaux. Il jugea pourtant à propos de retirer sa plainte, et la décision du comité fut maintenue, quoique blâmée dans une séance générale par Charles Dickens et quelques autres membres du Garrick. Je cite ce fait pour montrer avec quel soin sévère les comités des clubs de Londres veillent au maintien de certaines convenances sociales. Le club est considéré comme une maison, un sanctuaire domestique dont on ne viole pas impunément les mystères ni l’esprit de fraternité. Critiquer un membre de l’association, rapporter une conversation tenue au club, manquer en un mot d’une manière quelconque à la confiance que doivent placer les unes dans les autres des personnes bien élevées, peut devenir dans certains cas un motif d’ostracisme. Le Garrick Club house est

  1. Thackeray a été surnommé le grand peintre de la vie des clubs : on peut lire son Major Pendennis.