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derniers remontent au règne de Charles II. Un des plus célèbres était le club ou pour mieux dire la Confédération des Rois [Confederacy of the Kings). Cette sainte alliance se forma peu de temps après la restauration ; elle admettait des hommes d’état et des citoyens de tous les rangs de la société, pourvu que chacun d’eux consentît à porter ce surnom de roi. Un tel sobriquet était regardé comme une garantie suffisante des bons principes monarchiques et devait exclure les républicains. Charles II était lui-même membre honoraire de cette société ; mais il est à croire qu’il n’y siégea jamais. Un autre club politique de ce temps était celui de la Tête du Roi (King’s Head Club). Il se composait de whigs, et les membres partaient à leur chapeau un ruban vert, pour se distinguer des tories, qui avaient arboré le ruban écarlate. Ils se réunissaient le soir près d’Inner-Temple Gate. L’institution se proposait surtout de faire des prosélytes, et admettait volontiers les jeunes gens qui arrivaient à Londres. Les résolutions des chefs se répandaient de bouche en bouche, et ce qui avait été dit le soir au club devenait le lendemain un sujet de conversation dans les cercles de la ville. Cette nombreuse société était une sorte de pouvoir exécutif qui correspondait avec toute l’Angleterre. Dans le club, les discours roulaient le plus souvent sur la défense de la liberté et de la propriété. On aimait à y évoquer le spectre rouge du papisme et à enflammer le zèle protestant. Sous prétexte que les réformés étaient menacés d’un prochain massacre, on engageait les membres à se couvrir de cuirasses de soie, qui passaient alors pour être à l’épreuve de la balle. Ce fut la mort de cette société, car en Angleterre comme en France le ridicule tue. On finit par donner aux farouches clubistes ainsi accoutrés le nom de « sangliers sous l’armure, » et cette société, qui du reste avait rendu des services, ne tarda point à se dissoudre.

Au point de vue de l’histoire des mœurs, les nombreux clubs qui se formèrent alors dans la Grande-Bretagne ont exercé une influence heureuse. Ils servirent à renouer entre les citoyens les liens sociaux qui avaient été brisés par les guerres civiles. Dans ces temps ombrageux, les tavernes devinrent des points de réunion pour les hommes que rapprochait une sympathie d’opinion et de sentimens. Autour d’une table et avec des compagnons choisis, on épanchait à demi-voix ses craintes ou ses espérances. La coupe qui circulait à la ronde était le signe de la réconciliation et de la fraternité. Ainsi de groupe en groupe les élémens désunis de la société tendaient à se rejoindre, et l’harmonie rompue qui se rétablissait dans les clubs devait s’étendre plus tard à toute la nation anglaise. Ces institutions furent le berceau de la liberté de parole qui forme aujourd’hui un des traits et une des conquêtes du caractère britannique. La grande époque des clubs politiques et autres fut le commencement du