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des associations : en Angleterre, elles ont trouvé depuis longtemps dans les lois et dans le caractère national des élémens de sécurité. Le principal motif qui semble avoir dirigé les premiers fondateurs de clubs était l’attrait d’un commerce fréquent avec des personnes choisies qui partageaient leurs goûts et leurs opinions. Jamais la main de l’autorité, si puissante qu’elle fût, n’aurait pu établir ces groupes harmonieux qui se sont formés d’eux-mêmes autour d’un centre et d’une pensée commune. Les clubs se sont constitués de même que la société anglaise en vertu de la loi des affinités ; dans ce libre milieu, les individus s’unissent comme s’agrègent les molécules chimiques. Il y a telles personnes avec lesquelles on se sent plus réellement soi-même qu’avec d’autres ; j’entendais dire l’autre jour à une Anglaise : « Je ne suis un peu jolie que dans une société où je me plais et où il se trouve de jolies femmes ; j’étais affreuse hier, car nous avons passé la soirée chez lady W… » Eh bien ! il en est de l’esprit, de la conversation et de tous les dons de la nature humaine comme de la beauté. Les Anglais estiment qu’on cultive mieux les plaisirs de la vie sociale entre honnêtes gens qui se conviennent. Quelque chose manquerait donc à ces études[1], si je passais sans m’y arrêter devant des institutions qui ont exercé une si longue influence sur la littérature, la politique, les mœurs et le génie domestique de la Grande-Bretagne.

Ce que les clubs ont été, ce qu’ils sont ne saurait être étranger à la vie anglaise. Dans l’histoire des anciens clubs, on suit l’histoire du caractère national et de la manière dont il s’est formé ; dans l’économie des modernes club houses, on retrouve une image de la société actuelle avec son luxe, son esprit d’ordre, et, il faut bien le dire, ses appétits matériels. Les nouvelles formes d’associations sont devenues à Londres un besoin, une nécessité de l’époque. La vie d’un Anglais (je parle surtout d’un Anglais appartenant à la classe plus ou moins aristocratique) se résume dans ces trois cercles qui pour lui embrassent tout, la famille, le club house, la patrie.


I

Les clubs ont commencé en Angleterre avec la liberté. Il n’existait rien de semblable avant le règne brillant d’Elisabeth. Jusque-là le pouvoir était trop ombrageux pour tolérer des associations permanentes ; d’un autre côté, les temps étaient trop sombres, les conditions sociales trop mal assises, la confiance et l’action individuelle

  1. Voyez les livraisons du 15 septembre 1857, 15 février, 15 juin, 15 novembre 1858, 1er mars, 1er septembre et 15 décembre 1859.