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à tous les fusils de l’infanterie. Comme ils n’ont pas été fabriqués pour cette destination, il n’est pas surprenant que le tir de ces armes soit moins bon que celui de la carabine ; mais malgré cette infériorité la portée et la justesse des fusils d’infanterie sont fort satisfaisantes jusqu’à 7 ou 800 mètres. Il est regrettable seulement qu’on ne puisse ajuster que jusqu’à 400 mètres ; au-delà, il faut viser au-dessus du but d’une quantité à déterminer par l’estime : c’est là une imperfection qui ne saurait tarder à être corrigée. La balle du fusil d’infanterie rayé a la forme extérieure de celle de la carabine ; mais, beaucoup plus évidée à l’intérieur, elle n’a qu’un poids de 30 grammes environ, celui de l’ancienne balle ronde[1].

Pendant que la France adoptait un mode de perfectionnement qui lui permettait de conserver, tout en les améliorant, les quatre ou cinq millions d’armes à feu qu’elle possède, le reste de l’Europe suivait les mêmes tendances, mais adoptait des dispositions un peu différentes. Là on avait connu trop tard et trop imparfaitement pour en profiter les avantages des dernières balles évidées, et l’on avait été effrayé du surcroît de charge qu’impose au fantassin l’adoption de la carabine des chasseurs à pied avec sa balle de 50 grammes. Un usage que recommande une longue expérience fixe à soixante le nombre des cartouches que le soldat porte sur lui. Un chasseur à pied a donc près de 3 kilogrammes 1/2 de cartouches, sa carabine pèse 9 kilogrammes, et c’est un surcroît considérable à ajouter en campagne à son havre-sac et à ses vivres. Réduire le poids de l’arme n’est pas possible sans réduire aussi la balle, ou bien ce serait s’exposer à augmenter le recul et à le rendre douloureux pour le tireur ; mais comme l’ancienne balle ronde de 25 à 30 grammes produisait des effets suffisans, il n’a pas semblé partout nécessaire de l’alourdir. Les puissances qui n’étaient pas retenues comme la France par le désir d’utiliser un approvisionnement énorme d’excellens fusils étaient donc amenées à faire choix d’un calibre plus faible pour alléger

  1. En parlant d’armes de guerre, on ne peut mentionner que pour mémoire deux inventions autour desquelles on a récemment cherché à faire quelque bruit : la balle à pointe d’acier et la balle explosive. Toutes deux ont la forme cylindro-conique, et dans la dernière la pointe est munie d’une capsule destinée à procurer, au moment du choc, l’inflammation d’une petite quantité de poudre placée dans une cavité intérieure du projectile. Les résultats annoncés sont très réels à une courte distance, mais d’après les explications données sur la forme des trajectoires, on prévoit aisément que ces balles, dont la partie antérieure est très légère, ont une grande tendance à se retourner bout pour bout dans leur parcours. Tout au moins arrive-t-il qu’elles se redressent dès que la courbure de la trajectoire devient un peu marquée, et la pointe ne se trouve plus dirigée en avant, comme cela devrait être pour obtenir l’effet attendu, une perforation profonde ou une explosion à l’instant du choc. Ces inventions cruelles n’ont donc heureusement répondu ni comme justesse, ni comme efficacité, aux espérances des inventeurs.