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bien vu, lorsque l’état s’est cru le droit d’interdire d’abord les traités particuliers, puis les tarifs d’abonnement. Que peut-on craindre de plus ? A moins que l’état n’exploite lui-même les chemins de fer, nous ne voyons pas quel contrôle plus étendu il pourrait exercer. Par conséquent les compagnies n’ont rien à perdre de ce côté, et il est naturel qu’elles cherchent à tirer tout le profit possible de la protection excessive dont elles jouissent.

Dans le troisième système, qui consiste à créer une banque spéciale et à lui donner la faculté d’émettre du papier-monnaie pour arriver à réduire l’intérêt de l’argent, il faut distinguer deux choses : 1° la banque spéciale des chemins de fer, 2° la faculté d’émettre du papier de circulation. Parlons d’abord de la faculté d’émettre du papier de circulation. On dit ceci : La Banque de France prête à 4 pour 100, elle prête même quelquefois à 2 1/2 et 3 pour 100, et elle donne de beaux dividendes, qui ont fait monter ses actions, avant le dédoublement, à 4,000 francs. — Ce n’est pas son capital qu’elle prête, car il n’y aurait pas matière à d’aussi grands bénéfices ; ce qu’elle prête, c’est son crédit, c’est le papier qu’elle a la faculté d’émettre pour trois fois au moins son capital en espèces, et qui est accepté comme des espèces elles-mêmes. Faites la même chose avec une banque des chemins de fer, donnez-lui la faculté d’émettre des billets au porteur pour le triple de son capital ; elle ne sera plus embarrassée de prendre les obligations de chemins de fer à 4 pour 100, elle y aura encore un large bénéfice, et la question des emprunts futurs des compagnies est résolue.

On peut s’étonner que sur les points les mieux expérimentés de la science financière il y ait encore des gens qui caressent de telles chimères, et qui pensent qu’avec l’émission du papier-monnaie on peut réduire l’intérêt du capital : cela donne une assez triste idée de notre éducation économique. La Banque de France, il est vrai, prête à 2 1/2 et 3 pour 100 dans certains cas, mais elle prête aussi à 8 et 10 pour 100 dans les circonstances critiques ; la banque des chemins de fer ne sera pas à l’abri de ces circonstances : prendra-t-elle toujours à 4 pour 100 les obligations de chemins de fer lorsque le taux de l’argent sera autour d’elle à 8 et 10 pour 100 ? pourra-t-elle toujours émettre à volonté des billets au porteur ? Elle le pourra d’autant moins qu’elle aura au contraire à pourvoir aux demandes de remboursement de ses billets déjà émis, qui lui arriveront de toutes parts. La Banque de France, dans les circonstances critiques, restreint ses escomptes, et elle a un portefeuille qui, arrivant chaque jour à échéance par partie, lui donne les moyens d’alimenter sa réserve. La banque des chemins de fer ne pourra pas restreindre ses opérations, encore moins prêter à 8 et 10 pour