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réserver à la rente, on arrivait à la faire monter, on donnerait par cela même une raison de plus aux capitaux de se porter sur les obligations. Mais la solidarité qui existait déjà entre les obligations et la rente avant la loi du 11 juin 1859 est devenue beaucoup plus étroite depuis cette loi. On peut presque dire aujourd’hui que c’est le crédit de l’état qui se négocie avec les obligations aussi bien qu’avec la rente. Ce n’est guère plus qu’une question de forme dans le titre, et on se demande comment cette question de forme peut expliquer un écart de 10 francs dans le taux de la négociation, les obligations à 292 francs représentant du 3 pour 100 à 58 francs et la rente étant cotée à près de 68 francs.

Il y a un autre point de vue encore où il est de l’intérêt de l’état que les obligations se négocient au cours le plus élevé : c’est celui de la multiplication des chemins de fer. Le dernier mot n’est pas dit avec les concessions actuelles. Il est évident que notre réseau est appelé à se prolonger au-delà de ces concessions, et il se prolongera d’autant plus qu’il coûtera moins cher à établir. Supposez qu’au lieu d’emprunter à 5 9/16 pour 100 amortissement compris, ce qui a été la moyenne des emprunts de l’année dernière, les compagnies empruntent ou qu’on emprunte pour elles à 5 pour 100 : voilà, sur les 2 milliards et demi qui sont encore à emprunter, près de 15 millions d’intérêts de moins à payer chaque année et un capital de 300 millions de gagné. Avec ces 300 millions, on peut faire, à raison de 300,000 francs par kilomètre, près de 1,000 kilomètres nouveaux, et comme l’état a la volonté et le devoir de construire des chemins de fer partout où ils seront nécessaires à la prospérité publique, il ne lui est pas indifférent qu’on trouve moyen, avec la même somme d’intérêts à payer, de procurer aux compagnies 300 millions de capital de plus (soit environ 12 pour 100) : c’est autant de moins qu’il aurait à accorder plus tard sous forme de subvention ou autrement.

Ainsi, à quelque point de vue qu’on se place, il est utile de travailler à relever le crédit des compagnies. Si c’est au point de vue du crédit en général, on comprend qu’à la façon dont le crédit de l’état est aujourd’hui lié à celui des compagnies par la loi du 11 juin 4859, ce qui pèse sur l’un doit peser également sur l’autre, de même que ce qui élève l’un doit élever l’autre. Si c’est au point de vue de l’économie qui résultera d’emprunts faits à meilleur marché, cette économie ne profite pas seulement aux compagnies, elle profite encore à l’état, qui se trouve déchargé d’autant dans les subventions qu’il accordera plus tard pour le prolongement du réseau des chemins de fer. Les gens qui s’inquiètent peu des charges qui peuvent peser sur les compagnies, et qui considéreraient au besoin