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auront à payer pour un fait qui ne sera pas le leur. D’autre part, comme dans l’état actuel des choses on ne négocie que des titres au porteur, on est bien obligé de conserver les obligations sous cette forme, si on veut leur laisser toutes les facilités de négociation, et partant tout le crédit qu’elles peuvent avoir.

La principale considération sur laquelle on s’appuie pour demander un changement complet dans le système actuel, c’est la nécessité de relever le crédit des compagnies dans l’intérêt de l’état lui-même. Avant la loi du 11 juin 1859, l’intérêt de l’état et des compagnies était déjà uni pour la négociation au meilleur cours possible des obligations. Certains esprits ont pu le comprendre autrement, et croire que la rente était d’autant plus légère que les obligations étaient lourdes ; c’était une erreur capitale. Quand sur un marché il y a deux valeurs de nature à peu près identique, présentant les mêmes garanties, et que, pour des raisons qui tiennent au plus ou moins de facilité dans la négociation, l’une se vend moins cher que l’autre, c’est le prix de celle qui se vend le moins cher qui sert de type pour fixer la valent même de celle qui se vend le plus cher : seulement on tient compte à l’une des plus grandes facilités de négociation dont elle jouit, et c’est là ce qui fait la différence entre son prix et celui de la valeur moins favorisée ; mais la première ne peut pas s’écarter beaucoup du prix de cette valeur moins favorisée. C’est comme un boulet qu’elle traîne au pied. Si l’on veut en avoir la preuve, on n’a qu’à consulter le mouvement des cours de la rente et des obligations à diverses époques ; on verra que toujours les obligations ont suivi les variations de la rente, ont monté ou baissé avec elle. Tous les efforts qui ont pu être tentés pour dégager la rente de ce que nous appellerons l’étreinte des obligations sont demeurés complètement stériles ; la rente n’a jamais monté indépendamment des obligations. Aussi ne nous sommes-nous jamais expliqué pourquoi on persistait à refuser la cote à terme aux obligations, si tant est que cette cote à terme puisse avoir pour effet d’en élever le cours. Ce serait, dit-on, un nouvel élément de concurrence pour la rente : c’est possible, mais la concurrence se ferait au profit des deux valeurs et dans le sens de la hausse, tandis qu’aujourd’hui elle se fait à leur préjudice dans le sens de la baisse, c’est-à-dire que les obligations, retenues au-dessous des cours qu’elles devraient avoir si elles jouissaient du marché à terme, y retiennent aussi la rente. Il ne faut pas croire qu’en agissant ainsi, on réserve la spéculation à la rente ; il n’y a point de spéculation efficace sans capitaux, et les capitaux se portent d’autant plus sur les obligations que l’écart est plus grand entre le cours de celles-ci et celui de la rente, de sorte que, si par l’effet de cette spéculation, qu’on veut