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on peut espérer que les dépenses à faire ne dépasseront pas les évaluations. Il faut dire encore dans le même sens, à l’avantage de l’avenir, que chaque année les frais d’exploitation diminuent. Après avoir été au début de 45 à 50 pour 100, ils sont descendus aujourd’hui sur presque toutes les grandes lignes au-dessous de 40 pour 100, et avec une recette kilométrique moindre. On n’en restera certainement pas là, et plus on ira, moins les chemins de fer coûteront à établir et à exploiter. Sans doute le bénéfice de ce double progrès, d’une construction moins chère et d’une exploitation plus économique, reviendra d’abord au public sous forme de réduction de tarifs ; mais il en restera encore assez aux compagnies pour augmenter leur produit net, et partant la garantie de leurs obligations.

Il est donc un point bien établi : c’est que les obligations de chemins de fer constituent aujourd’hui un placement hors ligne. Au point de vue de la sécurité, il n’y en a pas de plus solide, puisqu’à la garantie de l’état, qui les couvre en partie, vient s’adjoindre pour le reste un revenu net bien des fois supérieur. C’est la meilleure des hypothèques. Au point de vue de l’exactitude du paiement des intérêts et de la facilité des réalisations, elles offrent les mêmes avantages que la rente : l’intérêt se paie à jours fixes, à des époques semestrielles, et le capital peut se réaliser à la Bourse du jour au lendemain si cela est nécessaire. Elles ont de plus un avantage tout spécial que n’a pas la rente, celui de la prime de remboursement. Les obligations cotées aujourd’hui 292 francs sont remboursables à 500 francs, et bien que le remboursement soit échelonné sur une période de quatre-vingt-dix-neuf ans, comme il a lieu par partie chaque année, et par voie de tirage au sort, chaque porteur d’obligation a la chance, à son moment, de toucher cette prime de plus de 200 francs.

Comment se fait-il qu’avec tous ces avantages, que personne ne conteste, les obligations de chemins de fer soient à un cours relativement si peu élevé, si inférieur notamment au cours de la rente ? Telle est la question à résoudre. Les obligations à 292 francs, donnant 15 francs de revenu, représentent du 3 pour 100 à 58 francs, lorsque la rente est à 68 francs[1]. C’est une différence en moins de plus de 15 pour 100. Ce ne peut pas être la différence dans la garantie qui fait cette différence dans le taux de la négociation, puisque ce qui manque aux obligations comme garantie complète de la part de l’état est largement couvert par le revenu net des compagnies, et que de plus les obligations jouissent d’une prime de

  1. Depuis quelque temps, le cours des obligations de chemins de fer a un peu monté, et atteint aujourd’hui en moyenne 300 fr. ; mais le cours de la rente a monté aussi, et touche à 69 fr. ; par conséquent, la différence entre les deux valeurs est toujours à peu près la même.