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NOUVELLE THÉORIE D’HISTOIRE NATURELLE.

nous connaissions sont ceux d’un terrain auquel sir Roderick Murchison a donné le nom assez étrange de silurien. La faune que M. Barrande, l’heureux et habile explorateur des terrains anciens de la Bohème, a nommée la faune primordiale, ne remonte pas à une époque plus reculée ; mais que de faunes n’y a-t-il pas eu auparavant dont rien absolument n’est resté ! Ce n’est guère que dans les périodes les plus rapprochées de la nôtre qu’il nous est possible de chercher quelques faits à l’appui de la théorie de M. Darwin. Il y a, par exemple, une analogie bien frappante entre les marsupiaux fossiles de l’Australie et ceux qui aujourd’hui donnent un caractère si original à cette grande île continentale. L’armadillo de l’Amérique du Sud, animal recouvert d’une véritable armure formée de plaques, et la plupart des autres animaux qui font partie de la faune aborigène de l’Amérique du Sud, ont leurs analogues parmi les fossiles retrouvés dans les cavernes à ossemens du Brésil et les immenses plaines de la Plata. La Nouvelle-Zélande est célèbre pour ses gigantesques oiseaux : le professeur Owen a montré que les fossiles qu’on y a découverts appartiennent à des oiseaux de la même famille. Quand la migration n’amène pas de nouveaux types animaux au milieu des types anciennement prépondérans dans une région géographique, on aperçoit une parenté évidente entre les faunes qui caractérisent les terrains successifs. Plus longtemps une province naturelle aura été isolée par le hasard des circonstances, mieux cette filiation s’apercevra : elle nous échappe au contraire dès que des faunes géographiques sont venues se mêler à la suite de quelque événement physique qui les aura forcément rapprochées.

« Ou bien, dit avec beaucoup d’autorité M. Bronn, le développement successif et bien calculé des organismes pendant de si longues périodes est l’effet immédiat de l’activité systématique d’un créateur personnel qui avait pesé et décidé non-seulement l’ordre d’apparition, l’organisation particulière et la destination terrestre des innombrables espèces de plantes et d’animaux, mais aussi le nombre des premiers individus et leur station, qui a créé les êtres séparément, quoiqu’il eût été en sa puissance de les créer tous à la fois, — ou bien il existe une force naturelle quelconque, inconnue jusqu’à ce jour, qui a produit, suivant les lois propres de son activité, des espèces de végétaux et d’animaux, qui en a coordonné et réglé tous les rapports, tant généraux que spéciaux. Dans ce dernier cas, la force en question devait être intimement liée et soumise à ces lois inorganiques qui réglaient le développement progressif de la surface terrestre, les conditions extérieures de la vie des êtres destinés à s’y établir, et dont le nombre, la variété, la perfection, devaient continuellement aller en croissant. Ce n’est que de cette manière qu’on pourrait expliquer pourquoi le développement des êtres organisés a