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d’une marine de guerre respectable. On cherchait en vain une issue à ces mutuelles impossibilités. Contenue forcément dans son extension, la marine française, sous les règnes de Louis XVIII, de Charles X et de Louis-Philippe, n’en figure pas moins avec honneur dans tous les événemens de quelque importance. Les vaisseaux de l’amiral Hamelin et de l’amiral Duperré complètent en 1823 l’investissement de Cadix. C’est le premier signe de la renaissance de notre marine. À partir de ce moment, les succès de nos escadres s’enchaînent, se répètent à intervalles de plus en plus rapprochés, et semblent, s’il est permis de s’exprimer ainsi, procéder l’un de l’autre. Navarin vient à peine de rétablir aux yeux de nos anciens adversaires le prestige de nos armes, que déjà le débarquement de Sidi-Ferruch prépare le débarquement d’Old-Fort. Sans la marine, on ne saurait trop le redire, nous n’eussions eu raison ni d’Ibrahim-Pacha en Morée ni d’Hussein-Dey à Alger, nous eussions laissé impunies les offenses dont s’étaient rendus coupables envers nous le Portugal en 1831, le Mexique en 1838, le Maroc en 1844 ; nous n’eussions fait ni expéditions de Crimée, ni campagnes de Chine. Malgré le rang secondaire auquel semble la condamner l’infériorité numérique de son personnel, la marine française justifie donc amplement, de 1821 à 1855, la sollicitude dont elle est devenue l’objet. Elle ne rend pas seulement d’éminens services, elle fait plus, elle inscrit dans nos fastes militaires des journées dont nos rivaux eux-mêmes se chargent de nous faire apprécier la gloire. Je ne veux parler ici ni de Saint-Jean-d’Ulloa, ni de Mogador, ni du combat d’Obligado, quoique ce soient aussi de glorieuses journées ; mais quelle marine a jamais tenté rien de plus vigoureux, rien de plus téméraire que l’entrée de vive force d’une escadre à voiles dans le Tage ? Je ne m’étonne pas de l’émotion que manifesta aussitôt l’Angleterre. Les plus beaux jours de la marine française semblaient revenus. Je connais peu de faits d’armes maritimes comparables à celui-là. Pour l’accomplir, il a fallu de la part de l’amiral Roussin une rare décision, une singulière confiance dans la fermeté de ses capitaines et dans l’effet moral que produirait la présence d’une escadre se montrant inopinément sous les murs d’une grande ville à la fois capitale et cité commerçante. Chercherons-nous dans des faits plus récens de nouveaux titres de gloire, de nouveaux gages de confiance- ? Sous les murs de Sébastopol et sous ceux de Kinburn, dans la mer d’Azof comme à l’embouchure du Pei-ho, avons-nous été inférieurs à nos alliés, infidèles au souvenir de Navarin ? N’avons-nous pas prouvé, de telle façon qu’on ne nous le conteste plus, qu’un vaisseau français est aujourd’hui l’égal de tout autre vaisseau étranger ? Les deux gouvernemens qui ont précédé le second empire nous ont donc légué