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En 1855, les pays soumis au sceptre de l’empereur François-Joseph offraient, sauf les possessions italiennes bien entendu, un remarquable spectacle de satisfaction et de vitalité. La Hongrie elle-même ne faisait point dissonance dans ce concert de contentemens légitimes et d’aspirations populaires. L’extinction des droits féodaux dans tout l’empire, facilement obtenue et rapidement opérée, ne permettait pas aux regrets causés par l’absorption des royaumes annexés de se produire. « Aux yeux les moins prévenus, disions-nous alors, la satisfaction des différentes classes est manifeste, et c’est ce repos, cette sécurité, mêlés à une activité générale pour les entreprises industrielles, qui donnent en ce moment à l’Autriche une physionomie très caractérisée, très particulière, et, on ne saurait le contester, très sympathique. »

L’Autriche est loin de présenter aujourd’hui le même tableau, ou pour mieux dire elle en présente un très différent. À la satisfaction de tous a succédé un mécontentement général, à l’activité et à l’esprit d’entreprise un découragement profond, et, symptôme plus grave, à la popularité du jeune empereur François-Joseph une irritation qui ne s’arrête pas aux agens supérieurs de son gouvernement, mais qui remonte jusqu’à lui. Les malheurs de la dernière guerre ne suffisent pas seuls à expliquer un pareil changement ; c’est à d’autres motifs qu’il faut l’attribuer. Sur trois points importans, le gouvernement autrichien rencontre des difficultés sérieuses, dont il doit s’imputer les unes, dont les autres tiennent à des causes étrangères à sa volonté. Le régime intérieur, l’administration proprement dite depuis les innovations introduites par le prince Schwarzenberg, n’ont cessé de soulever de vives réclamations, à la suite desquelles les débats de nationalité se sont ranimés. Le concordat de 1855 avec la cour de Rome a rencontré dès le début une opposition qui a toujours été grandissant, et les récentes mesures adoptées à l’égard des protestans ont produit d’unanimes mécontentemens devant lesquels le gouvernement semble reculer. Enfin le désordre financier a pris les proportions les plus inquiétantes pour le crédit de la monarchie autrichienne et la fortune des créanciers de l’état. Ce sont ces points principaux que l’on voudrait examiner successivement en rapprochant les faits et les chiffres contenus dans le tableau tracé en 1855 des faits et des chiffres qui ressortent de la situation actuelle. Les torts ou les malheurs du gouvernement autrichien éclateront pour ainsi dire d’eux-mêmes, et il sera facile de faire le triste résumé de cette période de cinq années écoulées entre deux guerres, années trop inutilement employées au sein d’une paix tourmentée et inféconde.

Une autre pensée nous frappe avant d’esquisser ce tableau, pensée