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officielle, a mis encore une fois en lumière les vœux de la Toscane et de la Romagne. Les résultats connus prouvent qu’en Italie comme chez nous, l’unanimité est un des attributs du suffrage universel. En même temps le chef de notre armée d’Italie a reçu l’ordre de se tenir prêt pour le retour de cette armée, qui s’effectuerait par Gênes et Livourne. La retraite de nos troupes abandonnera les Italiens à eux-mêmes. Le grand royaume du nord de l’Italie se constituera sur une base de douze millions d’âmes.

Aurons-nous ainsi mis réellement fin à toutes les responsabilités que nous avons encourues dans la dernière guerre d’Italie ? Une distinction est ici nécessaire. Sans doute, si une irruption soudaine des armées autrichiennes au-delà du Pô et du Mincio venait refouler le Piémont dans ses anciennes limites et menaçait la péninsule de l’établissement de l’état de choses qui a provoqué la dernière guerre, si en un mot l’œuvre que nous avons entendu accomplir, il y a un an à peine, allait être détruite, le plus ordinaire sentiment de l’honneur et le plus simple bon sens politique nous feraient un devoir et une nécessité d’intervenir de nouveau en Italie pour y conserver des élémens d’indépendance, pour y arrêter l’agression étrangère, pour maintenir notre influence, pour veiller à notre sûreté. Cette responsabilité ne peut pas se prescrire pour nous. Il y a une responsabilité d’un autre ordre, à laquelle non plus nous ne saurions guère nous soustraire, mais dont les effets nous seront moins onéreux. Par la façon dont nous avons engagé l’an passé la question italienne, nous avons contribué, pour une grande part, à créer l’état moral actuel de la péninsule, et à produire l’état politique qui va s’y fonder. Nous aurions beau dire que ce qui s’est accompli en Italie a dépassé nos intentions, nos prévisions, et en dernier lieu nos conseils. Les bonnes intentions peuvent être une excuse : l’imprévoyance n’en est pas une. Tout le monde sait que l’on n’est point toujours maître en politique des conséquences de ses actes ; mais l’on n’est pas affranchi des responsabilités qu’elles entraînent parce qu’on ne les a ni voulues ni prévues. Nous devons donc et nous devrons longtemps à l’Italie et notre concours moral pour seconder le succès de l’expérience qu’elle tente, et notre indulgence pour les fautes qu’elle pourrait commettre. Ainsi nous ne pouvons nous soustraire aux responsabilités du passé, mais nous redevenons maîtres de celles de l’avenir. Après les avertissemens que nous avons donnés au Piémont et après la retraite de nos troupes, nous cessons d’être compromis dans les entreprises futures du royaume de l’Italie supérieure. S’il cherche de nouveaux agrandissemens, s’il ne veut pas demeurer prudent dans ses relations avec l’Autriche et avec les états du sud de la péninsule, il suivra sa politique à ses risques et périls. S’il prend l’offensive, il ne doit attendre le triomphe que de sa force propre. Si, appelant des malheurs sur lui par de téméraires aventures, il contraignait la France à repasser les Alpes, il nous donnerait le droit, dont nous n’avons pas voulu ni pu user après la dernière guerre, de rétablir la constitution de l’Italie conformément à nos intérêts et à nos vues.