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oscillé, a varié, s’est contredit pendant ces huit mois. Nous devons faire une exception en faveur de deux hommes, le pape et le baron Ricasoli, qui ont, il est vrai, par leur obstination inflexible, fait échouer tous les compromis en Italie ; mais nous ne leur en faisons pas un reproche. Devant les volontés incertaines et molles qui viennent de fatiguer si longtemps le monde, nous serions plutôt tentés par momens de pousser un vivat en l’honneur des entêtés. Nous reconnaissons donc une grande importance à l’acte de volonté qui vient d’être manifesté au nom de la France, et nous ne faisons qu’un vœu : c’est que cette résolution, soutenue par une action prompte et décidée, soit fécondée par la persévérance.

Mais ici deux questions se présentent : les moyens employés pour affranchir l’action de la France des compromissions italiennes sont-ils les meilleurs ? La France, en observant la politique qu’elle a annoncée, aura-t-elle dégagé sa responsabilité autant qu’on le suppose ?

L’on sait maintenant sous quelles formes la France a notifié ses desseins à la Sardaigne, et par la Sardaigne à l’Italie. La France a laissé à l’Italie l’option entre deux systèmes. Le premier était l’annexion de Parme et de Modène avec le vicariat des Romagnes et l’autonomie de la Toscane ; le second était l’annexion générale, à laquelle tendaient depuis huit mois les aspirations du parti national en Italie. Au premier, recommandé par le gouvernement français, était attachée la continuation de notre patronage militaire. Le gouvernement français déclarait franchement que l’adoption du second par l’Italie dégagerait notre liberté d’action, et conduirait « à l’hypothèse dans laquelle le gouvernement de sa majesté sarde n’aurait à compter que sur ses seules forces. » Cette alternative, nous ne l’avons pas dissimulé avant même d’en connaître les termes officiels, nous avait paru dangereuse. Elle soumettait la continuation de notre protection militaire à l’acceptation de la combinaison recommandée par nous : si la Sardaigne eût accepté, nous demeurions liés par la solidarité périlleuse qu’il fallait rompre à tout prix. C’était, dira-t-on, un simple témoignage de sentiment amical, c’était une façon bienveillante, courtoise et politique de rejeter sur la Sardaigne la responsabilité de la cessation de notre protectorat militaire, car il était facile de prévoir que la Sardaigne était trop engagée vis-à-vis de la Toscane, de la Romagne et du parti national italien pour se rendre au conseil de la France. C’est possible, et l’on peut s’en féliciter après le danger passé. Pour notre compte, nous remercions la Sardaigne de ne pas avoir pris notre gouvernement au mot. La dépêche dans laquelle le hardi ministre du Piémont a répondu à M. Thouvenel avec la bonne humeur sympathique et l’intelligente netteté qui le distinguent nous tire d’une série d’embarras dont le moindre n’eût pas été la durée de la confusion où l’on s’est ahuri et lassé jusqu’ici. Grâce à la résolution du Piémont, le royaume de l’Italie supérieure va se constituer dans son indépendance. La dernière épreuve, la suprême consécration du suffrage universel, « ce principe de notre légitimité, » suivant l’expression