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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1860.

Nous disions il y a quinze jours qu’au sortir d’un fourré nous trouvions un peu de terrain déblayé devant nous, quelque chose qui ressemblait à un sentier, — montueux et sinueux il est vrai, — et nous exprimions l’espoir que ce sentier ne nous conduirait pas à un nouveau labyrinthe. Frêle espérance, combien de temps as-tu duré ? On nous voit aujourd’hui tout penauds d’avoir à répondre à cette question.

Certes il doit avoir un riche fonds de bonne humeur, celui qui se dévoue à suivre attentivement les incidens de la politique contemporaine et à en deviser périodiquement. Nous ne savons si la pièce est bonne, mais nous sommes certains qu’elle n’est pas bien jouée. Quelqu’un chante terriblement faux dans le tutti de la politique européenne, car le morceau d’ensemble que nous exécutons tourne trop fréquemment au charivari. Cela devient parfois ennuyeux à crier, ou agaçant à quitter la place en se bouchant les oreilles. C’est à un de ces momens de générale dissonance que nous sommes particulièrement arrivés aujourd’hui. Chose curieuse, nous vivons à une époque où la diplomatie, jadis si impénétrable, se fait dans une maison de verre, et jamais l’on n’a vu moins clair dans son œuvre. C’est la mode aujourd’hui de publier les dépêches avant que les gouvernemens auxquels elles portent des communications et des conseils aient eu le temps d’y répondre. Nous avons en outre les interpellations presque quotidiennes du parlement anglais. La diplomatie n’est plus ce fin chuchotement d’autrefois qu’il était si difficile de surprendre ; elle est devenue comme une grande controverse qui s’adresse bruyamment au public et demande directement à l’opinion des jugemens immédiats et sommaires. C’est le beau idéal rêvé pour les relations internationales par tant de simples esprits et de si généreux utopistes.