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Ce qui étonne le plus et ce qui décourage les esprits curieux, c’est qu’on n’ait point établi les tableaux sur le modèle adopté pour la publication déjà faite en 1840 par le même ministère. En agissant ainsi, les rédacteurs de ce nouveau livre ont eu sans doute le désir d’améliorer les cadres suivis par leurs prédécesseurs. Le travail publié en 1840 méritait en effet quelques reproches, et entre autres celui de ne pas indiquer l’année ou les années dont il énumérait les résultats ; toutefois il avait aussi certains mérites, et pour ma part je regretterai vivement, s’ils ne doivent pas figurer dans la partie non encore publiée, les tableaux récapitulatifs de l’ancienne statistique. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de la valeur relative de ces tableaux, et même en reconnaissant au nouveau travail une bien meilleure distribution des documens fournis, il n’en est pas moins vrai que cette modification dans la forme rend singulièrement difficiles les rapprochemens à établir entre les deux documens. Or des statistiques qui, publiées sur le même sujet par la même administration à des époques différentes, ne se prêtent pas facilement à la comparaison des résultats respectifs perdent par cela seul beaucoup de leur importance. Les amis de la science verront peut-être ce grief vengé plus tard par la mise à néant du cadre actuel ; mais en science, comme en toute chose, la vengeance n’est qu’un nouveau malheur. Aussi devons-nous déplorer ce manque de suite et de traditions qui, dans une foule de travaux et d’efforts, est la triste conséquence, tantôt de l’instabilité des esprits, tantôt de la naturelle tendance des hommes nouveaux à vouloir bouleverser ce qui émane de leurs prédécesseurs. En administration et en politique, ne peut-on pas exprimer les mêmes regrets ?

J’ai accusé les renseignemens fournis d’être incomplets et insuffisans. C’est ainsi que la statistique officielle ne contient rien de relatif aux bois et aux forêts. Le sol forestier est confondu dans une même colonne avec les chemins, les cours d’eau, les étangs, les superficies bâties et les terres incultes ; la valeur vénale figure ailleurs. Quant à l’état, aux ressources et aux produits de ce sol, il n’en est parlé nulle part, quoique le gros questionnaire soumis aux commissions cantonales eût consacré à ce sujet un grand nombre de questions. On conviendra cependant que l’importance du sujet rend inexplicable un pareil oubli, que les rédacteurs de 1840 avaient eu soin de ne pas commettre, sans toutefois fournir eux-mêmes sur cette matière une suffisante quantité de documens. Par le temps où nous vivons, des détails authentiques sur l’état actuel et futur de nos forêts auraient singulièrement intéressé le public. La substitution du charbon de terre au bois dans les usages domestiques et industriels, celle du fer et de la fonte aux anciennes charpentes dans l’art des constructions maritimes et terrestres sont des phénomènes économiques assez graves pour que nous désirions savoir exactement quelles ressources forestières nous avons encore ou pouvons espérer.

Une division spéciale est consacrée aux cultures diverses, et l’on trouve sous ce titre assez vague jusqu’à 14,302 hectares, et jusqu’à 2,893,778 francs pour un seul département. Une petite note ajoutée après le nom de chaque