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commissaire Mirandel pour la fortifier encore davantage et la mettre à l’abri du danger qui la menaçait. Mirandel fit abattre les deux couvens des dominicains et des frères mineurs, les trois églises de Saint-Pierre, de Sainte-Catherine et de Notre-Dame-de-bon-voyage[1], dont les édifices, rapprochés de la ville, en auraient secondé l’attaque et gêné la défense. Il fit raser et niveler, dans la même intention, les faubourgs, les maisons de plaisance et les jardins qui s’élevaient à un tir d’arquebuse des deux côtés de l’est et du nord, par où seulement la place pouvait être abordée et assaillie. Les Marseillais, avec un patriotique attachement à la couronne de France, à laquelle le pays de Provence n’était réuni que depuis quarante ans, travaillèrent de leurs propres mains à ces démolitions. Ils déterrèrent les morts ensevelis dans les églises et les portèrent processionnellement avec les images de leurs saints et les objets de leur culte dans l’enceinte de la ville et sous la protection de ses murailles. « Il n’y avait ni petit ni grand, dit un témoin de ce triste spectacle, qui ne pleurât[2]. »

Vers la fin de juin et le commencement de juillet, la garnison sortie de Lodi et beaucoup d’enseignes de gens de pied étaient entrées dans Marseille sous le commandement de Renzo da Ceri, et Chabot de Brion y avait été dépêché par François Ier avec deux ou trois cents hommes d’armes. Outre cette troupe régulière, qui s’éleva à environ quatre mille[3] soldats d’infanterie et de cavalerie, les habitans de Marseille furent organisés en milices par leurs viguier et consuls. Huit mille d’entre eux, remplis d’une généreuse ardeur, et enrôlés par quartiers sous des capitaines[4], durent veiller à la garde intérieure de la ville, seconder la garnison dans les sorties et la soutenir dans les assauts. François Ier, comprenant que de la conservation de Marseille dépendait la sûreté du royaume, avait pourvu la ville d’armes et de munitions, ainsi que de soldats. Renzo da Ceri, versé dans l’art des fortifications, aussi ingénieux que brave, très vigilant, et d’une constance inébranlable,

  1. Journal de Valbelle et Histoire mémorable des choses advenues au pays de Provence à l’arrivée de Monsieur Charles de Montpensier, auparavant connétable de France, en l’an 1524, avec le discours véritable de tout ce qui se passa durant le siège mis devant la fameuse cité de Marseille. — Ce récit a été écrit en français au commencement du XVIIe siècle, surtout d’après les Mémoires de Jean Thierry, dit l’Étoile ; il est à la bibliothèque d’Aix.
  2. Journal du Siège, etc.
  3. Le 1er août, jour où fut faite la revue des troupes. — Journal de Valbelle.
  4. « Soubs quatre capitaines enfans de la dite ville estaient de huit à neuf mille combattants bien armés de cuirasses, acquebutes, arbalètes, piques et autres armes nécessaires à la dite défense, rangés en fort bel et bon ordre qu’il faisoit bon voir marcher par la ville, etc. » — Histoire mémorable, etc., d’après Thierry de l’Étoile.