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du Péloponèse. Les temps modernes, et particulièrement la renaissance en Italie, ne présentent pas des exemples moins illustres du goût des sculpteurs pour l’architecture. Ils y retrouvent en effet, dans sa pureté la plus sévère, la science des lignes et des proportions.

Dans son ardeur à poursuivre la science, Phidias ne se contenta point des ressources que lui offrait Athènes. Il avait travaillé dans l’atelier d’un certain Hippias, qui nous serait inconnu s’il n’avait été son maître. Soit que ce sculpteur méritât l’oubli dans lequel il était tombé, soit que les crises politiques eussent suspendu le progrès de l’art en Attique, Phidias alla demander des leçons à une école étrangère. À cette époque vivait dans Argos Agéladas, dont la réputation s’étendait par tout le monde grec. Les villes les plus éloignées, même celles de l’Italie, lui commandaient des statues. Il exécuta, de concert avec Aristoclès et Canachus de Sicyone, un groupe de Muses célébré par les poètes de l’antiquité. Quel que fût le talent d’Agéladas, son premier titre de gloire aux yeux de la postérité est d’avoir formé les trois plus grands sculpteurs du siècle, Phidias, Myron et Polyclète. Myron était aussi un Athénien. Il arrivait alors ce qui arrive dans tous les temps, c’est qu’une école ou seulement un maître célèbre attire de fort loin des admirateurs et des élèves. Le Corinthien Euchir va s’instruire à l’école de Sparte à l’époque où les fondeurs Spartiates devançaient le reste de la Grèce. Sparte à son tour envoie Médon, Doryclidas, Don tas et Théoclès à Sicyone, lorsque Dipœnus et Scyllis y enseignent pour la première fois l’art de travailler le marbre. Bientôt Sicyone et Athènes demandent des leçons à Argos. C’était un continuel échange entre les cinq ou six écoles de la Grèce. Pourquoi donc Ottfried Müller s’est-il étonné de voir Phidias et Myron, qui n’étaient alors que des jeunes gens, passer quelques années à Argos, dans l’atelier d’Agéladas ? Pourquoi veut-il plutôt que leur maître ait quitté sa patrie, ses travaux, ses autres élèves, pour s’établir à Athènes ? Parce qu’on montrait en Attique une statue d’Agéladas, une seule, l’Hercule secourable, était-il nécessaire que l’artiste fût venu la sculpter sur les lieux ? Ce n’était ni un colosse d’or et d’ivoire, ni un de ces travaux compliqués qui ne peuvent s’exécuter que sur place. Que serait la biographie d’un artiste, si on le faisait voyager autant que ses œuvres ?

Au contraire, on n’a jamais assez remarqué un fait qui paraît confirmer le séjour de Phidias à Argos. Le premier ouvrage qui le signala à l’attention de ses contemporains fut une Minerve pour les habitans de Pellène, Il l’avait faite, dit Pausanias, avant la Minerve de Platées, avant celle que les Athéniens consacrèrent en souvenir de Marathon. C’étaient ses plus anciennes créations. Pellène est une