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du roi de France, quelque nombre qu’il sût avoir, et, avec l’aide de Dieu, qui maintient toujours les bonnes et justes querelles, nous aurions victoire[1]. » Bourbon comptait également sur la diversion du roi d’Angleterre[2]. Wolsey lui avait annoncé, par le chevalier Gregorio Casale, la très-prochaine arrivée de sir John Russell avec l’argent que devait lui fournir Henri VIII[3]. Il avait en même temps chargé Richard Pace de lui dire qu’une armée était prête à descendre sur la côte de France. « Le roi, assurait-il, envoie un grand nombre de chevaux et d’hommes de pied à Douvres pour être transportés à Calais, se réunir avec la cavalerie bourguignonne et les lansquenets des Pays-Bas. Suivi de son armée, il pénétrera en peu de temps, si le cas le requiert, jusqu’au cœur du pays, comme l’empereur doit y entrer du côté de l’Espagne, ce qui fera que, de son côté, le duc de Bourbon trouvera peu de résistance en marchant en avant. » Bourbon s’était avancé sur la foi de la double promesse de Charles-Quint et de Henri VIII ; mais, parvenu à Aix, il n’eut aucune nouvelle ni de l’armée espagnole, ni de l’armée anglaise. Sans avoir reçu de renfort de l’une et appris la descente de l’autre, il eût été téméraire de se diriger vers Lyon.

Dans un conseil où le connétable appela Richard Pace avec le marquis de Pescara, il fut décidé que le chevalier Gregorio Casale serait renvoyé en Angleterre pour demander que les troupes de Henri VIII opérassent sans délai au nord-ouest de la France[4]. Il fut décidé de plus qu’on irait mettre le siège devant Marseille. Plusieurs raisons poussèrent à entreprendre ce siège hasardeux : la nécessité de ne pas rester dans l’inaction en attendant que les Espagnols franchissent les Pyrénées et que les Anglais parussent en Picardie, l’utilité dont serait pour l’empereur la possession d’une ville qui le rendrait maître de ce golfe de la Méditerranée et lui ouvrirait le passage de Barcelone à Gênes, l’affermissement, par l’occupation d’une place aussi importante, de toutes les conquêtes faites en Provence, la certitude de laisser soumis les derrières de l’armée d’invasion et d’assurer ses subsistances lorsqu’elle s’avancerait

  1. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint du 20 juillet, écrite au camp de Draguignan.
  2. Il écrivait le 10 août à l’empereur : « Les Anglois doyvent estre descendus, car aultrement il feroit faulte en notre affaire. »
  3. Il arriva le 26 août. Lettre de Richard Pace, écrite le 31 août du camp devant Marseille. — Mus. Brit Vitellius, B. VI, f. 193.
  4. Longue lettre de Richard Pace à Wolsey, écrite le 31 août, du camp devant Marseille. — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 193. — Le même jour 31 août, le duc de Bourbon écrivait à Henri VIII : « Monsieur, je vous supplie très humblement faire avancer vostre armée par-deçà et je mettray peine de ce costé suivant le commencement de vous aller veoir en tirant de Lyon à Paris. » — Mus. Brit. Vitellius, B. VI, f. 182.