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laissé en arrière treize enseignes de ses hommes d’armes avec ses bataillons d’hommes de pied, leur recommandant de marcher au pas[1] jusqu’au moment où ils seraient près de joindre l’ennemi et où ils pourraient l’assaillir. À la tête de la vaillante troupe des seigneurs de sa cour, des gentilshommes de sa maison et de deux compagnies de ses ordonnances, il fondit sur l’avant-garde ennemie. Rien ne résista au choc de ses cavaliers pesamment armés. Le roi abattit et tua d’un coup de sa lance le marquis de Cività-Sant’ Angelo[2], dont il dispersa les chevau-légers, et avec son escadron victorieux il repoussa les hommes d’armes de Lannoy et rompit une troupe de piquiers et d’arquebusiers qu’il rencontra sur son passage. En les voyant fuir, il crut le sort de la bataille décidé. Dans son allégresse confiante, il se tourna vers le maréchal de Foix, qui était à ses côtés, et lui dit : « Monsieur de Lescun, c’est maintenant que je veux m’appeler duc de Milan. » Il poursuivit encore un peu les fuyards, puis il arrêta sa troupe pour faire souffler ses chevaux.

Il avait eu la supériorité dans le commencement de l’action, et la victoire semblait se déclarer en sa faveur ; mais bientôt tout changea de face. Les ennemis, ébranlés au premier choc, ne s’étaient point découragés. Ils recommencèrent la lutte avec un élan nouveau, dirigés par l’adroit et indomptable marquis de Pescara, conduits par l’ardent et opiniâtre duc de Bourbon. Les trois mille combattans que Pescara avait rappelés de Mirabello entrèrent alors en ligne sous del Vasto. Ils attaquèrent la gauche de l’armée française en même temps que la cavalerie impériale, ralliée et renforcée, revint à la charge, appuyée de quinze cents arquebusiers que Pescara répandit autour d’elle pour abattre l’effort et diminuer la supériorité de la cavalerie française. De leur côté, les lansquenets de Marx Sittich et de George Frundsberg, formant, sous le duc de Bourbon, le corps de bataille, avaient quitté le vallon où ils s’étaient abrités et avaient marché au combat les rangs serrés. Sittich s’avançait sur la même ligne que le corps des troupes espagnoles, et Frundsberg tenait la gauche de Sittich, quoique un peu en arrière. Leurs bandes reçurent les décharges de l’artillerie française sans pouvoir y répondre, mais cette fois sans en être arrêtées. D’ailleurs les batteries du sénéchal d’Armagnac étaient déjà masquées en partie par les

  1.  :: « Treize enseignes de gens d’armes de faict
    Feys demourer fermes pour bon effect ;
    Nos Allemans avec eulx je laisse,
    Leur commandant qu’ils marchassent sans cesse
    Au petit pas. »
    (Epistre du roy, etc., dans Captivité, p. 121.)
  2. « S. M. mette in cielo il marchese di S. Angelo, quale ella ammazò con la soe mani. » — Lettera del Mco Paulo Luzascho, citée par Ranke, Histoire d’Allemagne, t, VI.