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continuer en présence d’une armée prête à les attaquer, et dont l’artillerie les balayait à leur passage. Le marquis del Vasto seul s’était élancé vers Mirabello, et y parvint avec ses trois mille Espagnols et lansquenets, qui n’y rencontrèrent aucune résistance et n’y prirent que des marchands ou quelques traînards laissés par les hommes d’armes dont la masse avait rejoint François Ier. Le sénéchal d’Armagnac tirait à coups pressés sur les corps espagnols et allemands qui avaient franchi la muraille et s’avançaient dans le parc. Il jetait le désordre dans leurs rangs et y faisait des brèches. « Vous n’eussiez vu, dit un témoin de la bataille, que bras et testes voler[1]. » Embarrassés par quelques pièces d’artillerie qu’ils traînaient avec peine à travers des décombres et des fondrières, sans pouvoir s’en servir, les impériaux se jetèrent à la file, et presque en fuyant, dans un vallon qui les abrita contre le canon des Français. Deux compagnies d’hommes d’armes du duc d’Alençon et du seigneur de Brion, qui à la droite flanquaient les lansquenets au service de France, chargèrent leurs soldats débandés et les poursuivirent jusque sur le terrain où ils se mettaient à couvert.

L’affaire prenait une mauvaise tournure pour les impériaux. Au lieu de surprendre, ils étaient attaqués et presque battus. L’occupation de Mirabello devenait superflue, la jonction avec la garnison de Pavie n’y était plus possible, et l’on ne devait pas songer à s’y retrancher, comme le proposait encore le vice-roi. Il fallait livrer aux Français la bataille, que non-seulement ils acceptaient, mais qu’ils engageaient, et la leur livrer en réunissant contre eux toutes les forces impériales, en opposant à leur redoutable impétuosité l’opiniâtreté espagnole, en attaquant leurs pesans hommes d’armes par d’agiles arquebusiers, et en jetant les lansquenets sur les Suisses. C’est ce que saisit d’un coup d’œil l’habile et ferme Pescara, qui, après avoir la veille fait décider l’attaque, en prit ce jour-là la conduite. Il rappela soudainement de Mirabello le marquis del Vasto avec ses trois mille hommes ; il prévint le vice-roi, qui était à l’avant-garde, que le moment était venu de marcher et de combattre ; il pressa le duc de Bourbon, qui commandait le corps de bataille, d’arriver en toute hâte. Lannoy se résigna à attaquer sans beaucoup de confiance. Il fit froidement le signe de la croix, puis, se tournant vers les siens, il leur dit : « Il n’y a plus d’espérance qu’en Dieu ; qu’on me suive, et que chacun fasse comme moi ! » Il donna en même temps de l’éperon à son cheval, et, précédé du marquis de Cività-Sant’ Angelo, qui conduisait la cavalerie légère, il se mit en mouvement avec toute son avant-garde.

François Ier s’avançait aussi, suivi de toute son armée. Il avait

  1. Du Bellay, t. XVII, p. 485, et récit de Pescara. — Coleccion, t. IX, p. 483, 484.