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hors d’état de résister davantage[1]. Antonio de Leyva le fit savoir aux chefs de l’armée impériale, placée elle-même dans une situation qui ne pouvait pas se prolonger. Il lui était dû beaucoup, et l’on n’avait pu lui donner que fort peu de chose sur une modique somme d’argent que ses chefs s’étaient procurée à grand’peine[2]. Elle tenait la campagne sans solde et subsistait pour ainsi dire sans ressources. Elle ne pouvait pas différer de combattre. C’est ce qu’écrivait à Charles-Quint le vice-roi de Naples, qui avait d’abord voulu traiter avec François Ier par l’entremise du pape, et que le duc de Bourbon et le marquis de Pescara avaient décidé à marcher contre la France. Il disait à l’empereur que livrer bataille, c’était hasarder et sa réputation qui serait compromise, et le duché de Milan qui serait perdu, et le royaume de Naples qui serait envahi, si son armée était battue ; mais il ajoutait que la dissolution inévitable et prochaine de son armée, si elle ne combattait pas, l’exposerait plus sûrement encore à la ruine de sa réputation, à la perte du Milanais, à l’invasion de Naples. Il valait donc mieux courir la chance du combat, puisqu’il y avait possibilité de la victoire[3].

Mais comment en venir aux mains et remporter un succès assez décisif pour acquérir la domination en Italie et se procurer les moyens de maintenir sur pied l’armée rendue victorieuse ? François Ier ne pouvait pas être forcé à combattre, s’il ne le voulait pas. Affaibli par l’éloignement du duc d’Albany, le départ des Grisons, la surprise des compagnies battues à la Bormida, la diminution des bandes italiennes de Jean de Médicis, averti par des échecs successifs, il ne devait pas s’exposer à une bataille. En restant dans son camp fortifié, il était assuré d’y être vainqueur, s’il était attaqué, comme l’avait été Prospero Colonna dans la position retranchée de la Bicocca. Il n’avait qu’à y demeurer immobile pour devenir le maître définitif du Milanais par la dissolution de l’armée impériale. C’est ce que lui conseillait Clément VII, qui était dans la plus grande anxiété depuis que les deux armées se trouvaient en présence. « Le pape, écrivait le dataire Giberto à Hieronimo Aleandro, nonce pontifical auprès de François Ier, craint que le roi de France ne hasarde une bataille et n’y aventure tout. Il y pense nuit et jour, aimant le roi très chrétien comme un vrai fils[4]. » Clément VII faisait supplier François Ier par le comte de Carpi, son ambassadeur à Rome,

  1. Tœgius, à la date du 23 février.
  2. Lettre du 23 février de l’abbé de Najera à Charles-Quint. L’abbé de Najera était le trésorier de l’armée impériale. — Mss. Bibliothèque de l’Académie d’histoire de Madrid, t. XLV.
  3. Lettre de Lannoy à Charles-Quint, du 21 décembre 1524 et du 25 février 1525. — Archives imp. et roy. de Vienne.
  4. Lettre du 19 février, dans Lettere di Principi, t. Ier, p. 147.